Patrick Boutin : l'avenir est dans les œufs mimosas

Pour peu que l'e soit dans l'o et le tour est joué : "eux" est un autre. Il devient l'objet de l'histoire de l'œuf, l'histoire d'O, l'histoire d'eux : Jo et Zeste personnages majeurs de ce livre. Celui-ci est chargé de références pas forcément bibliques et Bataille y  garde le beau rôle.

C'est l'un des treuils mentaux que Patrick Boutin emploie afin de réactiver le séculaire questionnement sur les relations qu'entretiennent l'œuf et la poule, la vie et la mort, le mot et l'image, le diable et le bon dieu, Poltrone et Sofa.

A sa manière l'auteur reprend de Jabès l'idée "apophatique" selon laquelle l'indicible ne résulte pas d'une faiblesse occasionnelle de l'énoncé (d'autant qu'il est ici parfaitement charpenté) mais d'une impuissance inhérente à la langue. En effet elle ne peut trancher ici dans l'extrême primordial entre l'œuf et la poule. Ce qui reste la question majeure pour les métaphysiciens (surtout les ratés).

Pour autant avide d'une pensée fluctuante et à caractère fortement spéculatif l'auteur est un histrion des plus aimables. Il a une plume élégante voir subtilement précieuse ce qui dans une telle histoire - elle fait l'homme non laid sans casser les œufs – est primordial.

Après tout, les hypothèses de Boutin sur l'histoire de l'œuf n'engagent pas plus (mais pas moins) que celles de Thalès et Parmenide avec lesquelles elles peuvent alterner librement. La forme du discours de Boutin, entre hiatus et mouillette, y contribue largement.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Patrick Boutin, Histoire de l'œuf , Denis éditions, Epinac, juin 2019, 44 p., 10 euros

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