Les drôles de manières d'Hervé Bauer

Chaque nouvelle de ce livre possède comme départ une locution qu'il s'agit de prendre au pied de la lettre et  dans son sens littéral : "la gueule de bois" par exemple. L'écriture développe ses potentialités poétiques et imaginaires entre hasard et nécessité :
Ma face n'était plus de chair, mais du bois le plus ferme. Effaré, j'ai tâté fébrilement tout mon corps qui ne semblait pas, à première vue, avoir subi la même transformation. Passé le premier moment d'effroi, j'ai pu me lever et, me regardant dans la glace, constater que je n'avais plus figure humaine.

Les textes sont toujours proche de basculer dans des abîmes mais pour autant Hervé Bauer – sans se résigner  à refuser l’écume des vagues de l'imaginaire – cherche la consistance tout en se moquant des réseaux habituels de son "étendue".

Et si chaque texte semble pousser à la paresse pour en donner une idée plus profonde encore, l'écriture la redresse et devient le prolégomène à une sourde colère. Elle monte face aux derniers optimistes pour leur rappeler l’aspect duel de toute vérité. Et l’auteur se sent de taille à rivaliser avec elle comme avec le monde. Le tout au sein de comédies d'un genre très particulier et qui prennent le lecteur en véritable otage.

C’est donc un "en marche" qui est psalmodié par les figures de langage. Exit l’Ange qui feint de faire croire que tout dans ce monde est doux. Hervé Bauer en scénarise la contre-figure dans laquelle il peut projeter ses ombres. Il ne s’agit en rien d’un prosélytisme ou d’une négation du désir. L’auteur trouve là un moyen de sortir de toute autofiction pour illustrer comment et combien il convient de se battre face à un enthousiasme secret pour tout ce qui détruit.
Le faut-il ? Il le faut.
 

Jean-Paul Gavard-Perret


Hervé Bauer, Manière Noire, Hippocampe éditions, décembre 2020, 280 p.-, 20 €

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