Jacques Richard : le chant de la si reine.

Dans La femme qui chante Jacques Richard fait preuve d'une écriture précise et élégante. Celle d'un initié des mots et ce qu'ils peuvent faire lorsqu'ils sont au service d'une "cause" majeure : le récit. Il pénètre ici dans la densité de bien des ombres comme de celle des cinémas où la femme apprend que comme ses soeurs elle peut aimer à bout de souffle et qu'il existe dans les répliques d'un film tout ce que l'humain peut dire ou éprouver.

Pour autant chacun ou plutôt ici chacune écrit son scénario. Un film lent où tout le monde s'agite, un film d'action où les personnages traînent. Mais dans tous les cas c'est le mâle qui commande. De la femme il attend ce qu'il veut. Et elle répond dans la quadrature d'un cercle vicieux et sans fin. Il y a pour la femme l'amour qui fascine et pour l'homme le désir qui tue.

L'auteur sent dès lors le besoin de (se) rassurer : son roman est pure invention et ses personnages imaginaires. Et c'est bien sûr le meilleur moyen de faire croitre des rumeurs comme du chiendent. Bref Richard devrait être plus prudent... Mais qu'importe. Son roman est un vrai destin à la croisée du vrai et de faux, de l'autre et de l'un là où un narrateur muet exprime sa vérité.

Chaque femme y est un poisson chat qui se laisse pêcher. Par séquence Jacques Richard crée un assemblage de scènes et de moments dans lequel le narrateur-auteur fait un beau portait de la femme qui chante, de la femme qui ment parfois - pour tenir. Et qui essaye d'embrasser l'homme dans "le miroir de son, enfance" car de fait il n'en sort jamais.

Le hache du temps a beau en abattre les arbres, ils repoussent sans cesse. Et lorsque l'homme n'a plus assez de force pour faire ce que le temps ne fait pas - même s'il est délicat et n'entre pas tout botté dans le coeur des femmes mais les pantoufles à la main - il ne vend qu'une partie de sa vie à l'amour qu'il conjuge moins au présent et futur qu'au passé.
Bon appétit Mesdames !

Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Richard, La femme qui chante, Onlit Editions, mars 2019, 176 p., 16 euros.

 

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1 commentaire

Cher Jean-Paul,

Merci de votre somptueuse critique.

Cette fois, les mots me manquent. Vous êtes le premier à repérer "que la femme apprend que comme ses soeurs elle peut aimer à bout de souffle et qu'il existe dans les répliques d'un film tout ce que l'humain peut dire ou éprouver."

"Et Richard devrait être plus prudent... " : Il ne le sera jamais. Comme disait un autre Jacques, un grand, "le monde sommeille par manque d'imprudence."

Très amicalement,

Jacques