Claude Ollier ou le simulacre contre le stéréotype

On a reproché - non sans raison - à Claude Ollier d’être trop enclin aux démonstrations théoriques pour être un « simple » romancier. Et ce même s’il  porta (au côté de son ami Robbe-Grillet)  la fiction vers des territoires bien éloigné des habituels vade-mecum.  Il est vrai que la physionomie du romanesque  d’Ollier est celle d’un espace mental, suggérant chaque fois d’autres scènes que celle qui est donnée à lire. Au moment où  le créateur (pour de multiples raisons) se retrouve en plan ou plutôt en « suspens »  – ce qui ne l’empêche pas de publier avec ce livre le sixième tome de son journal – il revient principalement sur le caractère « théâtral » de ses compositions et  de ses pantomimes des esprits.

 

La présence dans ces textes du simulacre n’est aucunement l’objet d’une propension imitative à l’art romanesque traditionnel. Certes le terme simulacre se prête à bien des confusions. Ici il devient l’opposé du stéréotype. Le seul sens « imitatif » qu’on peut lui accorder reste celui de l’actualisation de quelque chose d’incommunicable et d’irreprésentable. D’où l’intérêt de ce livre dans lequel - comme dans le reste de l’œuvre - ce simulacre prend une fonction d’exorcisme. Celui-là « imite » ce qu’il appréhende dans le phantasme.

 

 Ollier emprunte  le simulacre afin de mieux  retourner les stéréotypes conventionnel du dicible et du montrable. Il devient la réponse aux schèmes normatifs qui conditionnent tout type de réceptivité. L’auteur illustre donc comment la présence et l’invention du simulacre présupposent le règne des stéréotypes prévalants. C’est avec les éléments décomposés de ceux-ci que la fabrication du simulacre parvient à s’imposer à son tour comme « stéréotype » dégradé en reflétant la réaction d’un écrivain à un quelconque phantasme soudain vidé de son contenu.

 

Face à la superstition réaliste, vériste ou naturaliste de la fiction, le simulacre renchérit sur le stéréotype et en constitue la réplique.  Son rôle est à ce titre exorbitant.  Le « sujet » y meurt au profit de la sensibilité qui passe au premier plan. Encore faut-il s’entendre sur ce dernier terme. Celle-ci n’est pas là pour émettre une quelconque impression mais ce qu’un autre compagnon de route de l’auteur – Pierre Klossowski -  nomma « une anatomie ».

 

Dans une telle stratégie de création seul le fait mental donne  lieu au texte. Sous sa pression le simulacre est susceptible de retraduire des équivalences au sein d’un formalisme qui sollicite chez le lecteur une double intelligence. Celle de l’incongruité de toute scène et celle de la façon de (se) la « représenter ». Le « lisant » peut alors devenir le complice de l’auteur. Le second n’a donc plus à prévenir le premier comme le fit Magritte avec son « ceci n’est pas une pipe » (ou un sexe, un habit, une histoire, etc.) puisqu’il l’aura déjà compris. Mais dans ce dernier livre Ollier prouve tout de même que cela va encore mieux,  sinon en le disant, du moins en le subodorant.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Clause Ollier, Simulacre (2000-2009…), P.O.L , novembre 2011, 256 p., 19,25 €

 

 

 

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