René Belletto : le miroir sans visage

 

René Belletto feint de pratiquer une diction à la littéralité soustractive faite de fragmentations, dispersions, incisions, coupures, dissolutions, effacements, abolitions, vacances, si bien que dans ce dernier livre , narrateur et héros sont supprimés et remplacés par ne neutre être comme s’il s’agissait de poursuivre un discours que le premier n’aurait voulu écrire et le second ne pas vivre.

Se cache ici l’humour subtil de Belletto. Il est coutumier du fait, mais à mesure que son œuvre avance il poursuit ce processus de glissement.
Peut-on dans cette perspective parler de roman ? La réponse est un oui massif même si le narrateur ne sais jamais ce qui se passe en dessous des fait ou que à l’inverse il ne voudrait pas le savoir mais que le pacte romanesque l’oblige à dire.

En mal de vecteur littéraire (héros, narrateur) il ne s’agit donc pas (encore) d’en finir avec la fiction Elle fait même comme toujours chez Belletto retour de manière "policière" en une époque (la nôtre) de doutes et d'incertitudes. Dès lors les altérations narratives restent une vue de l’esprit là où la diction redevient "archéologique".

Certes la validité du récit transforme tout l'univers visible en un monde de fluctuations. L’auteur n’y cesse de troubler la compréhension de la réalité par les hypothèses sans cesse remises en cause par la rigueur de l’écriture, l’astuce de l’auteur comme celle de son personnage - de quelque côté que le lecteur se tourne - les faits ne possède que la longue et sombre coulée de leur ombre.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

René Belletto, Être, P.O.L, janvier 2018, 288 p. - 18 €

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