Colette Thomas : avant le silence

Le testament de la fille morte retourne nos attentes les plus  lourdes et lancinantes. Cet ensemble disparate parvient à nous faire franchir  la frontière interne de l’être. À savoir ce que l’on  redoute de traverser, de transgresser et que l’apparition de tels écrits  met devant notre conscience.

Notre propre être est dénudé là où tout narcissisme se quitte. Colette Thomas – épouse de Henri Thomas et l'amoureuse éperdue d'Artaud – possède le mérite rare de décaper le miroir de l'autosatisfaction. L’autre qui s'exclut, se retire et se défile devient nous-mêmes à l’intérieur de notre frontière. 

Et soudain le rapport à  l'altérité provoque un autre passage que celui, obligé, du désir que Artaud refusa à celle qui portant l'aima mais qui risquait en lui cédant de déchaîner la force conjuguée des démons et des dieux.

Enjambant le seuil de l’enfermement poétique, l'auteure ouvrit bien des visions en un appel à exister d’une autre façon.  Colette Thomas oblige à nous dire : je suis moi-même dans le silence, l’abandon. Je passe là où cela semblait au-dessus de mes forces et de ma peur. Nous sommes en quelque sorte extraits de la pure illusion et de la simple transgression.

Franchir la frontière de l'œuvre revient à accepter de passer la limite de notre ignorance, d’accepter le saut vers ce qui échappe aux limites d’une raison raisonnante et un ersatz de poésie asphyxiante. Soudain la réalité est noyée dans le fantasme de l'amour. L’être  ne peut plus se suffire de sa propre délimitation : son ghetto, sa forteresse est remplacée par une autre irréelle peut-être.

Néanmoins le lecteur est jeté hors de lui-même afin de mieux se retrouver, en une sorte de mouvement de la vérité absolue et poétique.


Jean-Paul Gavard-Perret

Colette Thomas, Le testament de la fille morte, postface de Pacôme Thiellement, éditions Prairial, septembre 2021, 180 p.-, 15 €

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