Dans ce jardin qu’on aimait

Initialement écrit pour être joué sur scène, ce texte bouleversant se lit aussi d’une traite. Dans un contexte bucolique, Pascal Quignard déchire le rideau de l’hypocrisie. Assène les vérités de l’amour. Ce sentiment ambigu qui mêle passion et répulsion. Comment vivre après la mort de sa femme en couche ? Surtout quand sa fille, en grandissant, devient petit à petit le portrait craché de sa défunte mère… Remords et désir se défient. A-t-il été juste de sacrifier la mère au profit de l’enfant ? Quelle est depuis sa vie devenue ?

Pour tenter d’oublier, le révérend Simeon Pease Cheney cristallise son désespoir sur la transcription de la musique de la pluie. Mais son approche ne convainc aucun éditeur. Et encore moins d’interprète. Sa musique demeure sur le papier. Dans son âme. Devant ses yeux quand les gouttes de pluie rebondissent en cadence dans ce jardin si cher à son épouse disparue.
Il est possible que l’audition humaine perçoive des airs derrière la succession des sons de la même façon que l’âme humaine perçoit des narrations au fond des rêves les plus chaotiques.

Fuir dans l’onirique dimension ? Dormir pour ne pas y être. S’oublier quitte à chasser sa propre fille de la maison pour ne pas avoir sous les yeux le portrait – vivant ! – de son amour perdu… Mais les rêves, ne sont-ils pas autre chose que des désirs qui se libèrent des contraintes du jour ? Trompe-l’œil le rêve est un faux-ami. Seul l’affrontement permet de vaincre sa peur. Sa douleur…
Lorsque sa fille revient le voir, le vieux pasteur ouvre alors son cœur.

Dans la veine habituelle qui lui est propre, Pascal Quignard mêle adroitement les effets. Mélange les sources de son infime érudition. Libérant un chant qui s’écoute dans une lecture apaisante.
Un moment salutaire.
Une parenthèse incontournable…

Annabelle Hautecontre

Pascal Quignard, Dans ce jardin qu’on aimait, 160 p. –, Folio n°6595, février 2019, 6,20 €

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