Jean-Claude Montel : L’ange et la bête

                   

 

Jean-Claude Montel. « Se tenir là »,  Encres de Jean-Paul Héraud (nvlle éd.) - Passage d’encres, Guern, 2013, 12 €

 

 

La plasticité de l’écriture de Jean-Claude Montel est rebelle à tout effet. Si elle « s’adapte » ici aux encres de Jean-Paul Héraud ce n’est en rien pour commenter son bestiaire mais afin de lui offrir un contrepoint tendre et drôle à la fois. Héraud porte bien son nom : loin des « perroquets de l’ingénierie culturelle » il prouve que tout artiste digne de ce nom doit - écrit-il - « consentir le toro – se tenir là t en une fraction de seconde susciter la charge de l’animal ». En toréador intempestif Montel plutôt que de revêtir un habit de lumière emboîte la fougue de l’animal même si un certain vide se permet de la traiter comme « un écureuil en cage ».

 

Il y a donc pour l’auteur le dessin du taureau que l’artiste lui a envoyé mais aussi son « canard en forme d’hélice – cou coupé mais toujours vivant ». Et celui qui avait effacé le genre humain de son panorama se voit « en bouffon coprophage en sabots devant vos goules et couilles de toro dans la bouche d’Hélène hilare en souvenir d’une corrida avec une fleur de perme blanc à la braguette ». Fidèle à Beckett l’écrivain poursuit ses propres « foirades à répétition » et reprend des accents vitaux  devant la croupe d’une Sainte Thérèse « s’offrant  docile à la liqueur du Minotaure ». C’est jouissif, forcément jouissif et pour cause…

 

Le lecteur se plaît à retrouver Montel récemment disparu dans une jeunesse entrain de déshabiller et exhiber la Sainte grâce au bestiaire coupable que lui offre le peintre. Il propose à l’écrivain un répit. « Après ça ceinture ! » écrit-il. Mais pour un temps seulement.  A travers la taureau-magie du premier il se permet comme lui de ne plus démêler ce qui « provient de l’intelligence, de l’œil, du cœur ou de la main ».

 

Montel reste donc l’inventeur des énigmes à fleur de vie par la puissance de ses visions.  Elles caressent l’indicible, captent le foisonnement. Aussi dilatée qu’elliptique de son texte comme du bestiaire de l’artiste surgit la femme. Elle semble appartenir aux limbes mais pose  la question du corps et de la mélopée du désir. Tout cela ne fait pas un pli. Soudain par la présence même d’un minotaure mythologique le poids des siècles passés s’estompe.  Libre de ce faix, sa profusion « confusible » ne peut plus incliner vers la moindre inféodation. La fête animale transforme le monde en mouvements et vibrations. C’est un régal au moment où le lapin lui-même n’en pose plus à l’existence.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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