Denis Lavant est un acteur incroyable, souvent cantonné au cinéma à des rôles d'homme détruit mais qui exprime au théâtre le plein épanouissement de son talent. Sa voix particulière, où coulent une rivière de gravillons, au débit assez lent, parvient assez vite à poser le décor où le récit s'épandra. Sa lecture de Viva, le grand roman de Patrick Deville, est un vrai moment de grâce. 

Mexique, années 30.  Lev Davidovitch Bronstein finit son voyage, son dernier, vers le Mexique où il sera accueilli comme un colis piégé par Diego Rivera et son épouse Frida Khalo, dans leur résidence qui deviendra plus tard musée, à Coyoacán. Lev, c'est Léon Trotski, réprouvé du régime des Soviets après en avoir été le Commissaire principal, sa vie est une leçon d'abnégation et, avec sa femme, il vient finir ses jours auprès de ceux qui semblent représenter le nouvel espoir révolutionnaire. Et c'est à travers l'histoire de Trotski que Deville concentre toutes celles des proscrits qui vont se croiser dans le bouillonnement des années trente. Seconde grande figure, qui équilibre le récit de sa propre expérience et vient achever le cercle des destins croisés, Malcolm Lowry, admirateur de Trostski et dont le roman Au-dessous du volcan. va être un événement littéraire crucial. Se croiseront aussi les belles figures de Tina Modotti (la grande photographe et militante révolutionnaire), l'écrivain B. Traven aux innombrables identités, ou encore André Breton et Antonin Artaud, et tant d'autres qui vont venir former une fresque d'ue incroyable densité, comme la danse macabre des damnés de la terre qu'une force invisible conduit au Mexique, les uns après les autres, les uns sans forcément le savoir sur les pas des autres qu'ils admirent le plus souvent. 

Toute cette effervescence politique, culturelle et sexuelle passe admirablement par la voix rocailleuse de Denis Lavant, qui maintient la tension jusqu'au bout dans cette très belle lecture. 

Patrick Deville, Viva, lu par Denis Lavant, Audiolib, 1 CM, 7h35, novembre 2104