"Remise de peine", une fenêtre sur une âme perdue dans ses souvenirs...

La musique de l’auteur

 

Paris, années d’après-guerre. Deux garçons sont confiés à des amis de leurs parents, ces derniers ne pouvant  s’occuper d’eux. L’enfance, voici le sujet de la Remise de peine de Modiano, auteur bien connu, à qui un public de fidèles voue une admiration sans bornes, attendant fiévreusement chacune de ses livraisons - comme beaucoup de cinéphiles attendent chaque année le nouveau Woody Allen ou le nouvel opus d’Eastwood. Modiano, c’est aussi un style, une façon d’agencer les mots qui n’appartiennent qu’à lui :

 

« Elles ont engagé une jeune fille pour venir me chercher à l’école et s’occuper de nous. Elle habitait à la maison dans la chambre voisine de la nôtre. Elle coiffait ses cheveux noirs en un chignon très strict, et ses yeux étaient d’un vert si clair qu’il lui donnait un regard transparent. Elle ne parlait presque pas. Son silence et ses yeux transparents nous intimidaient, mon frère et moi. Pour nous, la petite Hélène, Frede et même Annie appartenaient au monde du cirque, mais cette silencieuse jeune fille au chignon noir et aux yeux pâles était un personnage de conte. Nous l’appelions Blanche-Neige. »

 

Des secrets et du Passé

 

Remise de peine parle de l’enfance, de ses secrets et de ses non-dits. Modiano évoque ici, d’après le préfacier, son enfance d’après-guerre. Roman ? Autobiographie ? L’auteur navigue entre les deux, sachant très bien que le souvenir est déjà un processus romanesque par lequel l’imagination refaçonne la mémoire. Patrick Modiano évoque aussi un frère, quasi inconnu dans le reste de son œuvre. La force de l’auteur est de restituer le regard de l’enfant sur ces adultes à qui son père l’avait confié, le juxtaposant parfois avec des flashbacks dans lesquels, à vingt ans, il recroise certains. Le spectre de la guerre et de la rue Lauriston resurgit au travers de ces pages. L’enfant regarde le monde des adultes. Il enregistre tout, sans tout comprendre. Plus tard il saura certaines choses. Les comprendra-t-il pour autant ? Pas sûr, car le passé s’échappe. Modiano ne nous apprend rien de nouveau bien entendu. Mais il le dit bien et c’est ce qui compte dans la mémoire d’un lecteur.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Patrick Modiano, Remise de peine, préface d’Olivier Adam, édition du Seuil Points signatures, Janvier 2013, 144 pages, 7,10 €

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