Modiano par lui-même

                   

 


 

A qui ignorerait tout de Modiano, à qui n’aurait pas compris l’essence de son projet le « Discours » (le premier prononcé par l’auteur et on le croit aisément) pour son prix Nobel est la parfaite propédeutique. En quelques pages tout est résumé avec simplicité, humour, clarté et concision. Bref ce texte devient l’acmé d’une œuvre dont les thèmes majeurs (la disparition, l’identité, le temps) sont liés à la topographie des grandes villes. Dans son cas c'est Paris bien sûr dont il s'agit. Modiano est l’héritier de la « poétique de la ville »  illustrée par tant d’auteurs dont Baudelaire et Proust. Mais, rappelle Modiano, les temps ont changé. La perspective proustienne n’est plus possible car la société est moins « stable ». C’est pourquoi à l’inverse du corpus totalisant de la "Recherche" Modiano a choisi la succession de romans courts, sortes de mémoires en fragments, de fragments de mémoire. Ils naviguent entre les assises du réel et les arêtes de l’imaginaire. Le lecteur est replongé au sein de rues connues-inconnues en une syntaxe subtilement claire et rigoureuse. Tout l’atelier  de la création est là. Ce court texte n’est donc pas une parenthèse dans la production romanesque de l’auteur. Le « discours » reste au plus près de son souffle, ses surgissements, ses remontées. A lire absolument. Et à méditer.

 

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Patrick Modiano, « Discours à l’Académie suédoise », Gallimard, Paris, 34 pages, 7 euros.

 




1 commentaire

amina

Hommage à JPGP pour cette synthèse extraordinairement exacte y compris dans la syntaxe de Modiano qui oscille à l'infini dans son Paris d'après guerre .