Éluard par procuration

Tout l'art de Paul Éluard tient ici au fait d'avoir concentré, en quelques dizaines de pages les ressorts du poétique en le dégageant de sa seule mise en rimes. L'auteur crée un répertoire dynamique de bien des formes poétiques possibles : vers libres, poème en prose, aphorisme, poésie sonore, poésie concrète, lettrisme, ready-made, accumulation, etc.  Mais pas que.
Si bien que  ce recueil singulier de citations de 1942, permet à Paul Éluard de poursuivre sa réflexion engagée depuis le surréalisme sur le langage, la parole et la poésie.
Dès 1937, il écrivait dans L’Évidence poétique : Depuis plus de cent ans, les poètes sont descendus des sommets [...], ils n’ont plus de dieux. Dans cette anthologie apparaît la conception d’une poésie qui accueille aussi bien la parole involontaire, souvent populaire, fruit du hasard dans lequel le dire dépasse le "vouloir dire".
Un dialogue est ouvert entre divers propriétaires officiels ou non de la poésie. Selon un ordre chronologique, en pages de gauche (paires) s’affiche la poésie involontaire, en pages de droite (impaires), la poésie intentionnelle. Voisinent de la sorte autant le facteur Cheval que Léon-Paul Fargue, la Religieuse portugaise que Salvador Dalí. Et apparaissent même des écrivains prestigieux parmi les poètes involontaires :  Honoré de Balzac ou Dickens qui rejoignent Dame Tartine et Nicolas Flamel.
Cette anthologie impressionne encore aujourd'hui là où une fois n'est pas coutume l'humour et le scandale firent parti du corpus (quoique emprunté) d'Éluard dont la propre poésie est devenu au fil des ans bien compassée.

Jean-Paul Gavard-Perret

Paul Éluard, Poésie involontaire et poésie intentionnelle, Seghers, octobre 2022, , 92 p.-, 12€

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