Pour
Paul Sanda écrire, c’est faire un bond en dehors du rang des meurtriers. Mais
c’est aussi un jeu, le plus sublime et sérieux des jeux. L’auteur peut y faire
l’amour par procuration et postproduction à Patricia Barber comme à Joyce
Mansour. Et la poésie par son aspect de gnose reste – paradoxalement peut-être
– le double jeu de cejeu mettant en
vue l’ambivalence de l’être pris dans ce que le mot tel qu’il se divise en
anglais traduit :game (quand le
jeu a ses règles) et play (quand il invente ces règles à mesure qu’il avance).
Le
texte représente l'espace ouvert entre ces deux termes. Le game est
l'exploitation des figures et des règles. Le play est le jet quasialéatoire d'une
« déprédation » : une langue originale nargue la langue toute
faite avec ce que ce « tout fait » entraîne de cadavérisation du
sens.
Le
coup de glotte, la logorrhée offrent dans la poésie et la prose de Sanda
un nécessaire excès tout enrefusant un
langage purement expérimental et une esthétique naturaliste. Il s’agit par une
reprise en charge du surréalisme de retrouver une langue susceptible de
prendre en charge les instances improbables du je en ses étreintes de Sapienza
mais aussi ses incertitudes, ses désirs et son inconscient.
Voulant ignorer les raisons qui tiennent à la
situation idéologique et culturelle dans laquelle nous sommes (ruine des
idéologies, disparition des utopies, fin des avant-gardes, vacuité du sens du
présent), la littérature de Sandas’éloigne d’une poésie de cour tout en restant abbatiale.Souvent directement branché aux exigences
rythmiques et sonores de la dictée corporellele poète de Cordes projette dans la masse des données du langage une
série d'opérations destinées à produire du jeu mystique et du jus physique avec
en haut un arc-en-ciel et enbas le cul
dans l'herbe.
Jean-Paul Gavard-Perret
Paul Sanda, « Célébration des Nuées »
Anthologie poétique de l’œuvre de Paul Sanda – 1990-2015, Coédition Rafael de
Surtis & Editinter, 2016, 330 p., 35..
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