Pompéi : Villa des Mystères ou Villa des Noces ?

Le site de Pompéi cache bien des secrets en plus des merveilles que la cendre a si bien conservés durant des siècles ; et parmi toutes ces splendeurs la villa dite « des Mystères ». Non parce qu’elle est la plus grande et la mieux conservée, mais par ces peintures antiques qui suscitent une controverse que Paul Veyne se fait un malin plaisir de clore de manière définitive.

Voilà un peu plus d’un siècle qu’elle fut découverte, et depuis l’on s’accordait à la définir comme un lieu servant à des rites secrets d’initiation, partant d’une interprétation facile de l’extraordinaire salle d’une vingtaine de mètres de longueur pour deux de hauteur, dont la fresque court sur les murs, en faisant le tour.

 

Si le visiteur ressent cette impression d’immersion c’est qu’il est entouré de tous côtés par vingt-neuf figures grandeur nature : dames élégantes, nudités, divinités, musiciens, un garçonnet, des Silènes et des satyres. De là à s’imaginer que l’on était dans l’antre d’une secte, de cet endroit secret dans lequel des initiés venaient être formés aux vérités sacrées pour demeurer sous la protection de leurs dieux (les Mystères étaient la partie ésotérique du paganisme), il n’y a qu’un pas que nombre d’historiens ont un peu trop rapidement franchi.

Découverte en 1911, cette mégalographie a été datée du Ie siècle avant notre ère, donc du temps de César et Lucrèce… Or nous savons que les initiés avaient le devoir de réserve, difficile donc d’imaginer qu’ils aillent commander à un artiste une fresque célébrant cette cérémonie.

Par contre, il se pourrait bien que ce soit plutôt l’histoire d’un mariage qui nous est ici évoqué. D’autant plus que Paul Veyne appuie son raisonnement sur un rapprochement encore jamais appliqué, et qui, pourtant, une fois évoqué, semble, en effet, d’une grande logique.

Si on la compare avec les Noces aldobrandines (découvertes, elles, il y a quatre siècles), que l’on peut voir aux Musées du Vatican – et dont la signification n’est pas contestée – le parallèle saute littéralement aux yeux : la fresque de Pompei nous fait bien voir un jour de mariage tout ce qu’il y a de plus profane, toilette de la mariée et nuit de noces comprises !

 

Et une fois admis ce postulat de départ, tout le déroulement de la fresque s’explique aisément, et l’on se demande comment les historiens ont pu se laisser enfermer de la sorte dans leur conviction erronée : oui, comment a-t-on pu prendre pour initiatique, mystique cette imagerie toute plaisante et sociale, où il n’y a pas trace de solennité ni de piété ? Et que penser de l’omniprésence du myrte, ce symbole du mariage ?

Le lieu aussi aurait du inciter au doute : cette villa n’a rien d’un lieu secret, bien au contraire, elle est l’une des plus belles, et la pièce de la fresque est la plus grande, la plus ouverte de toute la demeure : Ce salon n’a rien de secret, il est impropre à la célébration de Mystères, écrivait d’ailleurs Otto Brendel en 1966…

 

La théorie la plus crédible est donc bien que cette fresque soit une copie commandée par un riche propriétaire en rapport aux Noces aldobrandines qu’il avait du voir lors de l’un de ses déplacements. Richement documenté, cet essai se lit comme un polar : Paul Veyne déroule la pelote de laine d’éléments historiques qui, petit à petit, se métamorphosent en preuves évidentes et sans appel.

Adjugé !



 

François Xavier

 

Paul Veyne, La Villa des Mystères à Pompéi, 37 illustrations couleur, 160 x 220, Gallimard, coll. "Art et Artistes", octobre 2016, 192 p. – 21,00 euros

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