Dans les grandes familles du gotha, il arrive que les femmes s’ennuient et fautent, que les enfants naissent de ce qu’on appelle pudiquement « un autre lit ». Ce sont des choses qui arrivent nous assure Pauline Dreyfus dans son livre éponyme. Son héroïne, Natalie de Sorrente, née Lusignan, a épousé un duc issu de la noblesse d’Empire et elle descend par son père du roi de France. C’est dire qu’elle ne craint rien ni personne : un enfant adultérin n’a aucune importance dans ce milieu qui en a vu d’autres. Même la drôle de guerre ne dérange pas l’ordre établi. A Cannes, tout va très bien pour Madame la Duchesse. Même si les Sorrente ont dû quitter leur hôtel particulier rue d’Astorg et déplorent la fin des bals costumés, ils continuent à s’amuser « entre soi », à sortir et à diner. Mais lorsque sa mère meurt, Natalie apprend de la bouche de ses sœurs l’incroyable vérité : elle aussi est le fruit de l’amour de sa mère avec un autre homme que son mari ! Problème de taille : ce père là est juif et pour Vichy qui vient d’édicter l’abominable statut des juifs, la duchesse est elle aussi juive…

 

Avec la révélation de ses origines, Natalie est propulsée dans une guerre qui jusque-là ne la concernait pas ou trop peu. Les expéditions chez Maxim’s commencent à lui peser et elle va essayer de comprendre les nouveaux proscrits, puis de les aider.

 

Pauline Dreyfus connaît très bien les codes de l’aristocratie et utilise mordant et ironie pour les décrire. Du malaise à la crise d’identité, de Mademoiselle Chanel à la dénonciation, du gotha au ghetto, l’auteur d’Immortel, enfin (prix des Deux magots 2012) tisse un tableau sanglant des mondains dont le monde tout d’un coup bascule .On songe au si beau film Monsieur Klein et l’on quitte avec regrets la belle Duchesse détrônée.

 

Ariane Bois

 

Pauline Dreyfus, Ce sont des choses qui arrivent, Grasset, août 2014, 230 pages, 18 euros