Pauline Dreyfus et le Bouddha en habit vert : Immortel, enfin

En été 1968, Paul Morand se résout finalement à reconduire sa candidature pour l’Académie française. Il s’agit de trouver un remplaçant au fauteuil numéro 11, celui de Maurice Garçon, mais c’est déjà la cinquième fois qu’il s’y colle… L’envie s’est émoussée, nonobstant, que ne ferait-il pas pour Hélène, son épouse adorée, compagne de tous les combats qui a su fermer les yeux sur ses innombrables conquêtes. Alors il profite du fait que le général de Gaulle vient enfin de lever son veto… Les mauvais souvenirs de Vichy s’estompent, les rancœurs sont moins tenaces et quelques amis fidèles sont à la manœuvre…
Pour évoquer un tel maître du style, protecteur des célèbres Hussards de Roger Nimier, le pari de Pauline Dreyfus était compliqué : il fallait une plume acérée pour nous peindre cet insoumis qui ne fera pas de concessions, ne se reniera point et finira par imposer ses desseins. A quelques détails près.

Véritable anthologie de la petite histoire de la littérature française, ce roman dépoussière les angles morts et démontre combien les jalousies sont tenaces… On s’étonne pour le moins que la mode du plagiat et/ou pillage s’invite encore une fois (après l’affaire Macé-Scaron, qui partage d’ailleurs le même éditeur) : en effet, pourquoi ne trouve-t-on pas dans la longue liste des remerciements, qui sent un peu trop le cirage, les noms de Pascal Louvrier et d’Eric Canal-Forgues qui œuvrèrent ensemble à une biographie (Paul Morand : le sourire du hara-kiri) de tout premier ordre, dont Pauline Dreyfus fait plus que de s’inspirer ?
Sans parler des (trop) nombreuses citations du journal intime de Morand lui-même…

Il ressort finalement de ce court roman que l’on perd bien son temps et son énergie dans la quête d’une gloire éphémère qui nourrira à peine la vanité laissée sans laisse. Car l’Académie est bien l’antichambre de la mort.

Une page d’histoire donc, qui se lit d’un seul trait comme on avale cul sec une goulée trop pétillante d’un soda sucré, un non-événement qui résonne du vide qui entoure les institutions et de la solitude dans laquelle se trouve l’écrivain face à la société. Finalement, le seul élément positif de cet acharnement à entrer sous la Coupole fut qu’il inspira Morand à écrire son dernier livre, Venises, et quel livre !
Lisez Morand !

François Xavier

Pauline Dreyfus, Immortel, enfin, Grasset, mars 2012, 238 p. - 17.00 €

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