Chimera

“Chacun sa chimère” dit Charles Baudelaire.

Créature mythologique à figure zoomorphique et hybride, à des attributs magiques malfaisants, la Chimère a occupé souvent la création artistique par sa sémiologie complexe, en devenant surtout synonyme de l’utopie.  Des rêves, des désirs, des inspirations, des ambitions, des amours soit interrompus ou même rompus et écrasés de manière soudaine et violente sur la surface d’une réalité brute, soit insaisissables, impossibles ou même interdits dès leur naissance, bien endormis comme des fantasmes dans la sphère de l’imaginaire.  Des idées vaines, mais pour autant fort séduisantes, qui hantent l’esprit humain, afin de le conduire dans le chaos de l’imagination et devenir enfin source de frustration et de douleur.

Dans cette tonalité, la parole poétique de Baudelaire est très figurative. Or, la Chimère est décrite comme une bête monstrueuse, agrafée sur le dos de l’homme errant dans un monde onirique, « poussé par un invincible besoin ». Mais ce monstre qui pèse sur lui n’est pas inerte ; «au contraire, elle enveloppe et opprime l’homme de ses muscles élastiques et puissants ; elle s’agrafe avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l’homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l’ennemi». Telle est sa force triomphante sur l’homme. Dans cette folle quête d’atteindre l’impossible ou de recomposer un paradis perdu depuis longtemps, l’homme est toujours le vaincu. Mais il en est complètement insouciant, ignorant. Aucun désespoir et aucune fatigue n’empêche le rêveur de continuer son élan charmeur vers le mystère du rêve. Il reste condamné à espérer toujours conduit par sa propre Chimère.

Comme une sorte de témoignage artistique d’un convoi baudelairien de rêveurs marchants, trente artistes français et italiens appartenant à divers panoramas artistiques contemporains, tel que le lowbrow, le pop surréalisme, la street art ou l’univers du tattoo, explorent la puissance symbolique de la figure chimèrique, à l’occasion de l’exposition collective Chimera à l’Institut Français de Rome. Par la diversité de leurs techniques et des moyens utilisés, ils créent un univers polyphonique et par conséquent dialogique, qui résonne la multitude des visions interprétatives du symbole.


Domna Chanoumidou

Critique d’art

 

Chimera, exposition collective franco-italienne, curatrice Daphnée Thibaud, en collaboration avec Nero Gallery, Institut Français Centre Saint-Louis, Rome, du 26 Novembre au 10 Décembre 2015.

Artistes exposés: Albane Simon, Alexandre Nicolas, Anne-Marie Cutolo, Aurore Lephilipponat, Bafefit, Beatriz Mutelet, Claudia Ducalia,C215, Delphyne V, Diamond, Eric Lacombe, FrédéricVoisin, Jean François B., Koralie, Isabelle Vialle, Layral, Lucamaleonte, Marc Socié, Michele Guidarini, MrDjub, Murielle Belin, Neirus, Nicola Alessandrini, Paul Toupet, Rocco Lombardi, Saturno Buttò, Sicioldr, Steve Taniou,Trëz, Veks Van Hillik.

 

 

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