Le petit diablotin qui rendait géniale "Misia, reine de Paris", de Guy Cogeval & Isabelle Cahn

Ce très beau livre est publié à l’occasion de l’exposition Misia, reine de Paris (Paris, musée d’Orsay du 12 juin au 9 septembre 2012 ; puis Cannes, musée Bonnard du 13 octobre 2012 au 6 janvier 2013). Bien plus qu’un catalogue : il se veut le miroir de cette manifestation. Pluridisciplinaire, elle convoque des portraits de Misia ainsi que ceux de son entourage. Mais pas seulement. Aussi des œuvres, des documents et des témoignages d’artistes contemporains. Mais qui était donc cette reine de Paris ?
Cette jeune Polonaise s’est lancée à la conquête de Paris à une époque où la célébrité s’écrivait au masculin. Ni actrice, ni cocotte, elle s’impose cependant. Comment ? Pas son magnétisme et son pouvoir de destruction. Egoïste et mante religieuse, elle présida aux destinées de l’art, du goût et de la mode pendant plusieurs décennies. Aussi incroyable que cela soit... 


Oui, Misia Godebska (1872-1950) fut aussi bien l’égérie de Vuillard que de Toulouse-Lautrec. Elle vanta les mérites de Ravel, Satie ou Poulenc. Elle encensa Picasso, Chanel, Cocteau, n’hésitant pas à tourner le dos aux vieilles lunes du symbolisme.
Mais la fin des Années folles marquèrent son déclin. Elle ira, désenchantée, pleurer sa mélancolie à Venise. Paul Morand évoquera cette boudeuse, géniale dans la perfidie, dans son Venises...


Elle fit donc autorité. Tout d’abord dans le monde musical, car pianiste de talent (Liszt l’admirait), elle avait une certaine assise. Elle se permit donc d’infléchir la direction artistique des Ballets russes. Pas moins. Puis elle ira vite élargir son champ d’application. Une rencontre, Vuillard, et le tour est joué. La sauvage féminité de la jeune femme fait chavirer le jeune peintre... Il entend enfin la musique du tableau. Elle sera sa muse. Elle se lassera, fera la connaissance de Colette. Autre chat enragé. Puis ce sera Bonnard et Félicien Rops. Elle est dominatrice. Elle est goulue et dépensière. Elle parle fort. Elle parle cru. Mais refuse de poser nue, même pour Maillol. Ce qui n’empêcha point Bonnard de faire un dessin d’elle nu en 1906 (Double portrait de Misia).
Elle les fait tous marcher sur la tête. Et ils semblaient aimer cela, alors...

 


Portrait de Misia par Vuillard


Tour à tour découvreuse, mécène et Pygmalion, Misia aura été l’une des muses les plus fécondes des temps modernes. L’intercesseur décisif de ce grand moment européen où musique, peinture et littérature vécurent en osmose. Un petit diablotin qui rendait géniale. Et tuait à la fois. Une manière bien à elle de faire partie de l’Histoire.


Annabelle Hautecontre


Guy Cogeval & Isabelle Cahn (sous la direction de), Misia, reine de Paris, 195 x 255, relié, 130 illustrations, Gallimard / Musée d’Orsay, 160 p. - 35,00 €    

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