"Picasso à l’œuvre - Dans l’objectif de David Douglas Duncan" : véritable dialogue entre l’œuvre photographique et l’œuvre picturale
Tout débuta le 8 février 1956. Sur les hauteurs de Cannes, un jeune photographe américain sonne à un portail. Déjà le nom le fait sourire, La Californie. Mais bien plus encore, cette porte est à double vantaux. Elle ouvrira soit sur les enfers, soit sur le paradis. Le Maestro est imprévisible. Neuf chances sur dix de se faire rabrouer. Mais c’est tout le contraire qui arriva. Un instant délicieux, une amitié éternelle que seule la mort du peintre scella pour toujours...
Ainsi témoigneront des milliers de clichés, quelques livres, quelques images
animées, aussi. Un œil unique plongé dans l’intimité de la création de l’un des
plus énigmatiques peintres du XXe siècle : Picasso.
Le musée La Piscine, à
Roubaix, vous permet, jusqu’au 20 mai 2012, de découvrir cette magie faite
d’alchimie et d’abnégation, de pitreries et de travail. Avec à la clé un
splendide album qui tient plus lieu de livre d’art que de catalogue. Dont on
notera l’astuce de la couverture : une jaquette transparente portant le
titre qui vient se juxtaposer sur le blanc cartonnée.
Une collaboration qui alla très vite devenir une amitié forte. Sous
le soleil du Sud de la France que Picasso connaissait fort bien pour y vivre
déjà depuis dix ans. Une manière de fuir la grisaille parisienne. Et de pouvoir
travailler en paix, loin des rumeurs et des modes. Car en cette période l’art
était encore sujet de controverse. Et Picasso marchait sur une corde raide. Ses
figures abstraites étaient considérées par certain comme dangereuses (sic).
Mais dans sa grande maison capharnaüm, il pouvait laisser libre cours à son
imagination. S’adonner à la céramique, qu’il avait abordée dès 1900 auprès de
l’orfèvre Paco Durrio.
Ce sont des milliers de photos que Duncan a prises, rien que l’année 1957, ce
sera pas moins de 8400 clichés ! Rien n’échappe à l’œil du reporter, ni
les pas de danse de Picasso, ni Paloma qui dessine à ses côtés, ni l’heure du
bain ou le cérémonial du repas qui voit l’arête de poisson terminer son destin
dans l’argile...
Cet ouvrage propose un véritable dialogue entre l’œuvre
photographique et l’œuvre picturale, ou sculpturale, de Picasso. Jamais nous
n’étions parvenus à approcher de si près le stade de la mise en réalisation
d’une œuvre. De son penser à son être. Quant au faire, il n’est que grâce,
enluminée par la splendeur du noir et blanc... La naissance des Baigneurs de
la Garoupe dans ses différentes versions et pur bonheur...
Après, chacun pourra s’amuser à y lire des parallèles, à y chercher des
références dans l’universalité de l’art moderne. Mais c’est avant tout une
plongée dans l’intimité d’un monstre sacré.
Annabelle Hautecontre
Collectif, Picasso à l’œuvre - Dans l’objectif de David Douglas Duncan, avant-propos de Claude Picasso, Gallimard, février 2012, 300 illustrations couleurs et N&B, 330 x 287, 264 p. - 39,00 €
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