Aller aux origines de l’art avec Catherine Millet et "Le corps exposé"

Pour rendre sensible l’irréductible, Catherine Millet porte son regard vers le corps. Au temps de l’abstraction, juste retour aux origines. Honneur aux artistes du réel. Parmi eux, Barnett Newman bénéficiera d’un peu plus de lumière. Pour madame Millet, son œuvre surpasse celle de tous les autres. Il faut dire qu’elle en a fait du chemin, Catherine. De l’abstraction à l’art conceptuel pour en arriver à célébrer le corps. Sans parler du sien qu’elle exposa publiquement dans un livre sans tabou. Alors ? Pourquoi ce retournement ? Car à l’époque de l’abstraction, dans les années 1970, les corps s’exposaient déjà... Ils dansaient entre les drippings de Pollock et les surfaces hermétiques de Newman. Mais quoique l’on ait sous les yeux, nous devions éviter de nous en tenir aux interprétations formalistes... Alors on peut aller aux origines de l’art via l’acceptation de la modernité. Son archaïsme nous conduit aux états premiers de l’être humain. 


"Celui d’une mise à distance de l’acte de création par l’artiste lui-même, notamment à travers l’ironie ; celui de la compromission du spectateur, contraint par l’artiste de mettre son nez sur des sujets, des images tabous.


Il y a aussi le fil de l’enfance qui noue l’amour de Millet pour les œuvres de Klossowski, Warhol, Corpet... Une famille d’artistes qui lui ont fourni des critères d’appréciation car ils transcendent toutes les catégories esthétiques.


Tous ces articles et préfaces de catalogue ici réunis ont donc comme point d’orgue le corps humain envisagé du point du vue de son destin. Rendant ainsi sa représentation et son exposition comme des métaphores des doutes que l’art aurait sur son propre destin. En effet, après les morts de Dieu et de l’art, il n’en demeure pas moins que les anciennes valeurs n’ont jamais été restaurées. Les artistes continuent à faire et défaire (ou l’inverse). Mais surtout nous aimons des œuvres qui ont la faculté de se soustraire à toute signification trop arrêtée...
Ainsi, comme le souligne Catherine Millet, si nous acceptons l’idée que l’art a pris le relais de la philosophie, ce n’est certainement pas pour nous apporter des réponses. Mais pour soulever de nouvelles questions... Il y a donc bien un caractère salvateur de certaines œuvres...


Désarmant, les commentaires de Catherine Millet n’imposent pas de dogme. Loin des affirmations, elle cherche une clé de lecture. Invite à regarder autrement. Présente sous un jour nouveau, décrypte. Wharol posant un œil qui illumine les corps sur lesquels il s’est posé. Muniz démontrant que ce sont plutôt les images du Dieu incarné (plus que Dieu lui-même) qui ont sauvé le monde. Oui, l’art est infini...


Annabelle Hautecontre


Catherine Millet, Le Corps exposé, cahier central avec 16 illustrations couleurs, éditions Cécile Defaut, octobre 2011, 219 p. - 16,00 €    

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.