Le "Manet inventeur du moderne" de Stéphane Guégan, entre ésthétisme & modernité

Manet a-t-il réellement inventé l’art moderne, le Moderne ? Pas au sens technique si l’on en croit Philippe Sollers, qui rappelle dans l’entretien qu’il accorda à Stéphane Guégan, que l’art n’est pas d’un certain temps mais de tous les temps, à travers le temps. Manet est moderne d’une autre manière, dans ce don qu’il a de voir ce que personne avant lui n’avait vu, et donc osé peindre... 


Après la grande rétrospective de 1983 que le Musée d’Orsay lui avait consacrée, voici le retour de Manet sur les bords de Seine avec cette extraordinaire exposition qui se tiendra jusqu’au 3 juillet 2011. Un plaisir à ne pas rater pour découvrir combien Manet fut moderne, non pas en brisant les canons de la tradition, mais bien en affichant une ligne directrice et en s’y tenant, coûte que coûte. Manet fut "l’un des rares artistes de sa génération à avoir su prolonger et renouveler la richesse de sens des vieux maîtres tout en bousculant les anciens genres et en hissant « la vie moderne » à sa poésie propre.


Sans chapelle, insaisissable, Manet le Moderne, avec cette majuscule ajoutée par son ami Mallarmé, base sa démarche sur le concept central du romantisme et la relativité du beau. Manet s’investit dans une esthétique qu’il invente afin de se donner les moyens d’élargir le champ de ses possibles. Il embrasse alors cette culture contemporaine qui, déjà, se construit sur ce qui est visuel, littéraire et politique...


"La peinture, c’est une affaire d’intelligence. On la voit avec Manet."
Picasso.













Ainsi Manet inventeur du Moderne fait-elle la part belle à l’enseignement de Thomas Couture, la rencontre décisive et détonante de Baudelaire, le détour par le religieux, les conséquences du voyage en Espagne, sa manière d’aborder l’impressionnisme après 1874, cette complicité avec Mallarmé (dans ses dérives les plus noires) et enfin l’ultime sursaut des années 1879-1883... 
Dos et quatrième de couverture noire, tout comme le sont les tranches des pages et l’intérieur de ce très très beau livre qui n’a plus rien à voir avec un simple catalogue... La richesse des textes jouent avec la magnificence des illustrations, le tout enluminé par une iconographie et une mise en page remarquables. Nul doute que l’on tient là l’un des livres phare de l’année, tant par sa conception que son contenu. Lequel m’a mis en face d’une très belle aquarelle sur plume, encre noire sur graphite du Déjeuner sur l’herbe(Oxford, Ashmolean Museum) : l’une des splendides esquisses que Manet se plaisait à peindre avant de se lancer. Quelques sanguines sont également du voyage, un enchantement...


François Xavier


Stéphane Guégan, Manet inventeur du moderne, 260 illustrations, relié, 235 x 285, Gallimard / Musée d’Orsay, avril 2011, 336 p. - 42,00 €

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