Figure
poétique dont le mystère consiste au nom énigmatique qu’Yves Bonnefoy lui prête
dans sa poésie, la Douve surgit sur la toile d’Isabelle Vialle, comme un acte déclaratif
de présence féminine. Le corps féminin y est le protagoniste absolu pour mettre
au jour un jeu entre l’être et le paraitre. Or, la Douve, malgré son apparence extérieure
charmante, son statut distant et chargé d’une théâtralité imposante ou bien ses
habits somptueux et parés, porte en elle des traces ineffaçables du passé. Des
souvenirs douloureux, des images obsédantes de la perte, des plaies de l’agonie
existentielle sont inscrits sur la chair humaine qui reste toujours souffrante.
Loin de toute merveille utopique de guérison, elle vacille consciemment entre mouvement et
immobilité. Elle s’ancre, elle s’enracine sur le sol solide soit pour déchirer sa
robe d’une geste violente, soit pour l’enlever d’une manière plus aérienne, comme
pour manifester un accouchement ou une libération de toute évidence. En tout
cas, rendre visible la nudité de son corps imparfait, ce n’est pas un acte provocant
de protestation ou de crise de folie. Ce
n’est ni une transfiguration du moi ni une négation du passé. Au
contraire, c’est la prise de conscience, la connaissance maturée de sa fragilité
charnelle et éphémère et de sa puissance
intérieure, résidée en l’expérience vécue. C’est en effet, comme le cite Rainer
Maria Rilke, «la femme dans sa véritable humanité».
Domna Chanoumidou
La part de l'ombre, Isabelle Vialle-peinture, Hans Jorgensen-sculpture, Jean-Marie Cartereau et Christophe Biskup-dessin, Galerie Art d'Aujourd'hui, du 18 février au 28 mars, Paris.
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