Raspoutine, un mythe sulfureux

Un jeune historien

 

Ancien élève de Normale sup et agrégé d’Histoire, Alexandre Sumpf s’est fait connaître du public des amateurs d’histoire (et d’histoire russe) avec deux ouvrages bien documentés, De Lénine à Gagarine, une histoire sociale de l’Union soviétique (Gallimard, 2013) et La Grande Guerre oubliée, Russie 1914-1918 (Perrin, 2014). Il nous livre ici une biographie d’un sulfureux personnage, Raspoutine, mentor de l’épouse du dernier tsar de Russie

 

L’énigme Raspoutine

 

Cet ouvrage part d’une question simple : qui était au juste Raspoutine ? De son vivant, il était déjà une célébrité, connu jusqu’aux Etats-Unis et après sa mort, il est devenu un mythe jusqu’à devenir le titre d’une chanson disco (merci Boney M). Né en 1869 selon toute probabilité, Raspoutine était un être frustre, simple, un moujik comme tant d’autres. Profondément croyant, il a fréquenté les monastères et suscité l’intérêt de certains membres de l’église russe. De ce personnage émane en effet un charisme et un magnétisme étonnant. Lorsqu’il prend la route de Saint-Pétersbourg en 1903, il n’est pas le premier personnage « incroyable » à venir à la cour : le couple impérial s’entiche facilement ce type de « gourous » comme on dirait aujourd’hui. Mais Raspoutine va réussir à faire croire qu’il est capable de sauver le tsarévitch Alexis, hémophile de santé fragile. De là vient son emprise sur le couple impérial.

 

Une atmosphère étrange de fin du monde

 

Cette biographie est aussi une radiographie de la société russe et de ses élites sous le dernier des Romanov. Car Raspoutine attire aristocrates et bourgeois, hommes comme femmes. Avec ces dernières, il peut se montrer courtois mais aussi très pressant : le saint homme est aussi un débauché et très vite des rumeurs de viols circulent. Dans de nombreux ouvrages, parus après la Révolution, on dira de lui qu’il dirige la cour et influence la politique : Alexandre Sumpf démontre qu’il n’en a jamais été ainsi, Nicolas II et ses ministres (comme Stolypine) restaient imperméables aux rares tentatives en ce sens de « l’Ami » comme l’appelait la tsarine Alexandra. Reste une énigme : comment des princes élevés rationnellement ont-ils pu tomber sous la coupe d’un tel personnage ? A l’instar des élites françaises d’avant 1789 qui couraient voir Cagliostro ou le comte de Saint-Germain, la société russe semble prise d’un vertige irrationnel alors qu’elle est au bord du gouffre… Voici un ouvrage passionnant, malgré quelques erreurs (page 114, Nicolas Ier est présenté comme le fils d’Alexandre Ier alors qu’il est son frère…) pour commencer ce début d’année.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Alexandre Sumpf, Raspoutine, Perrin, novembre 2016, 380 pages, 23 €

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