Carthage, la rivale de Rome

 

Auteur d’une thèse sur la place de l’hellénisme dans l’évolution politique de Carthage, Khaled Melitti donne ici un ouvrage imposant sur la cité de Carthage, rivale malheureuse de Rome. Il  prend ainsi la suite de Serge Lancel (1928-2005), auteur lui aussi d’une synthèse chez Fayard (Carthage, 1992) et d’une biographie d’Hannibal (Fayard, 1995) qui firent date il y a une vingtaine d’années. Alors que dire aujourd’hui de plus sur Carthage ? Plein de choses en fait : quelle fut son originalité ? Ses liens avec Tyr et la Phénicie ? Avec le monde hellénistique ? Et la Grèce ? À toutes ces questions, Khaled Melitti répond avec la rigueur de l’historien.


Une identité spécifique


Carthage fut fondée par des colons phéniciens venus de Tyr, qui s’imposèrent aux populations indigènes déjà présentes. Très tôt, la cité punique s’impose dans le commerce méditerranéen et s’émancipe d’une métropole soumise aux aléas géopolitiques du Moyen-Orient, sans toutefois jamais rompre les liens culturels ou commerciaux avec elle. Si Carthage s’ouvre aux influences extérieures, elle restera toujours attachée à ses propres racines phéniciennes : nous ne sommes pas, loin s’en faut, face à une métropole hellénistique, tant du point de vue institutionnel que de l’urbanisme. Carthage restera toujours attachée à ses dieux tutélaires (Ba’al, Tanit, Melqart) et à ses institutions (tels ses magistrats, ses suffètes).


Le duel à mort avec Rome


Grâce à son poids commercial, Carthage devient une puissance incontournable de la méditerranée occidentale, s’implantant en Sardaigne et surtout en Sicile où elle affronte les grecs de Syracuse. Les puniques affrontent les grecs en Sicile aux Ve et IVe siècles dans une lutte pour l’hégémonie. C’est à cette occasion que Carthage fait pour la première fois connaissance avec Rome qui, de son côté, soumet successivement le Latium, l’Étrurie et la Grande-Grèce (l’Italie du sud). Lorsque la première guerre punique éclate, Carthage semble en position de force. C’est sans compter la capacité d’adaptation des romains qui mettent sur pied des flottes capables de battre les carthaginois sur leur propre terrain. À l’issue de cette guerre, Carthage perd pied en Sicile et bientôt en Sardaigne suite à la révolte des mercenaires.


Un clan punique, les barcides, relance le conflit en s’implantant en Espagne (où ils fondent Carthagène) où ils exploitent des mines d’argent et lèvent des troupes. De là partira le fameux Hannibal qui fera trembler Rome en battant les légions au Lac Trasimène et surtout à Cannes via la tactique de l’enveloppement (nombre de « Kriegsspiel » actuels reproduisent les schémas tactiques d’Hannibal). Pour autant, Carthage et Hannibal échoueront au final, en partie (et là Khaled Melitti est extrêmement pertinent) parce que la cité punique n’a jamais cherché à développer la moindre volonté d’intégration de ses alliés, voire des peuples qui lui étaient assujettis.


Une trace qui perdure à travers les siècles


Reste au final une empreinte indéniable sur le monde antique et une culture fascinante pour l’œil moderne. On se doit ici de saluer cet ouvrage de magistral de Khaled Melitti, en espérant qu’il poursuive ses recherches (car écrire aussi de façon pédagogique et claire est suffisamment rare pour être salué).

 

 

Sylvain Bonnet

Khaled Melliti, Carthage, Perrin, avril 2016, 464 pages, 25 €

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