Perrine Le Querrec : Lieu du lieu

Perrine Le Querrec nous entraîne en un pur et voluptueux sillage vers la clairière espérée d'une forêt qui n'a rien de noire. Au dessous des branches les corps cèdent, Here. Just for a few. Both satisfied, aurait dit Purcell.
Ou – et si l'on préfère – jusqu'à l'épuisement des sens par l’abandon là où, écrit l'auteure, "ta vérité (est) dressée contre ma vérité / la tanière de tes pieds / terre aux extrémités.

Ici écrire n'est plus avoir affaire à l'absence mais à la rencontre la plus libidinale qui soit au moment où l'aimée est emportée par celui qui arrive en l'île d'Elle. Chacun cherche à se perdre, à disparaître dans l'autre pour mieux se retrouver.
Et la poétesse de souligner : 

Soulevée sur nos dos
La terre brûlante tu sens ça vit ça rampe
Ça s’accouple
Je vis je rampe m’accouple
À l’unisson
.

Et ce dans le trop et le jamais assez. Mais aussi dans le plus cru qui devient le plus sacré là où les sensations extra-terrestres s'épousent à dos de bête.

S'inscrivent au nom de l'amour et de l'éros une légende et une histoire invaginée. Mais une telle version est subtile. Trouvant son anse, chaque amant va dedans et se laisse dériver.
Rien pour autant d'obscène en cette évocation bien que les mots ne fissent pas forcément dans la dentelle. Le corps est là parmi les vagues et les deux plaques dérivantes des peaux s'immiscent l'une dans l'autre à l'instant du supremus partagé.

Bref : Rien a lieu que le lieu. Mais c'est là où Perrine Le Querrec réussit une prouesse. Citer la phrase de Mallarmé n'est pas fortuit car la créatrice propose en cette descente des corps en eux-mêmes (et pour leur ascension) ce qu'Anne-Marie Albiach, écrit en exergue  du livre :

C’est encore le contact qui abstrait
Le charnel de la terre
.

Telle est la voie choisie par la créatrice pour écrire le transport amoureux et sa traversée jusqu'à la clairière où d'une certaine manière chacun est invité. Histoire peut-être de se dé-confiner...

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Perrine Le Querrec, La bête, son corps de forêt, Les Inaperçus, juin 2020, 48 p., 7 €

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