Emmanuel Macron : un incontestable personnage de roman selon Philippe Besson

Que l’on aime ou non les livres de Philippe Besson, que l’on ait voté ou non pour Emmanuel Macron, que l’on adhère ou non à sa vision de l’avenir, on ne peut que tomber d’accord avec le premier quand il définit le second : Un personnage de roman.
Qui aurait imaginé il y a un an et demi que ce jeune homme sans appui, sans parti, sans militant deviendrait  le plus jeune président de la république Française ?
Qui aurait pensé il y a vingt ans que ce lycéen amoureux de sa professeur de théâtre d’une autre génération que la sienne aurait le courage  de braver opprobres et ragots, forcerait son destin  et l’emmènerait avec lui au sommet du pouvoir ?
Qu’ils seraient mondialement connus et que toute la planète aurait un avis sur leur couple, leur différence d’âge, leur histoire et accessoirement son action politique ?
Personne ou presque sauf justement quelques uns, dont Philippe Besson pour la partie de l’histoire qui commence le 30 aout 2016.

Quelques heures plus tôt, Emmanuel Macron a quitté le gouvernement et est l’invité du journal télévisé. À ce moment-là, dit-il : "Il se produit une chose étrange. L’apparition provoque en moi une illumination, une révélation."
L’écrivain n’est pas sûr que l’homme deviendra président. Personne ne l’est à ce stade et c’est même l’opinion contraire qui prévaut – à l’époque, Hollande et Sarkozy sont encore dans la course – . Il prend la décision d’écrire une aventure, une espérance, "le destin d’un personnage". Les deux hommes se sont rencontrés deux ans plus tôt. Le politique accepte la proposition du romancier d’écrire  son aventure : "Il est d’accord. Sans rien exiger en retour. Aucun contrôle. Aucune relecture."

Au fil des mois, Philippe Besson va être de tous les meetings, de toutes les péripéties de l’épopée puis de la campagne. Il raconte les moments d’espoir, les coups de chance inouïs mais aussi les "trous noirs", "les faux plats" les doutes qui parfois assaillent le jeune candidat.
L’écrivain ne se veut pas impartial, il ne l’est pas, il admire celui qu’il nomme EM, comme un héros sorti d’une œuvre de Duras. Il n’est pas laudateur non plus. Il souhaite faire partager son  expérience, son ressenti de témoin privilégié de cette campagne hors norme. Emmanuel Macron est décrit en  candidat visionnaire, littéraire, d’une prodigieuse intelligence.
Tout ou presque (et son contraire)  a été dit au sujet du postulant : littéraire, courageux, passionné mais aussi traître, arriviste… Le romancier n’est pas dupe et n’en rajoute pas dans l’éloge.
 

S’il décrit avec finesse la personnalité du candidat, il a  surtout le grand mérite de dessiner en creux, le portrait de celle sans qui l’histoire aurait été différente, son épouse Brigitte. EM serait-il devenu président à 39 ans sans elle est au final, la question fondamentale, la clé, tant  son influence paraît prépondérante de son adolescence à aujourd’hui.
Celle qui est décrite à longueur de colonnes  et souvent avec des propos à la scandaleuse  misogynie sous les uniques prismes de sa différence d’âge, de ses robes trop courtes apparaît comme une femme déterminée, lettrée, sensible.

Forte des épreuves passées : "Elle me rappelle leur mise au ban originelle, leur solitude…".
Chez elle, le romancier décèle "une fêlure existentielle", chez cette admiratrice du roman de Flaubert, quelque-chose d’une "madame Bovary, qui aurait échappé à son destin", par sa volonté, sa ténacité. Et du courage, elle n’en a pas manqué : "Je vais passer à côté de ma vie si je ne le fais pas", dit-elle au sujet de leur amour hors norme dans une province d’avant internet.

Si Philippe Besson  n’explique pas l’alchimie entre les deux, ce n’est pas le sujet du livre, il décrit comment un couple  atypique venu d’Amiens est parvenu à réaliser "le plus grand casse de la république, un hold-up presque parfait" ; l’ambiguïté de ce duo arrivé ensemble au sommet mais dont un seul est l’élu de la République.
Eux pour qui : "L’innocence n’est plus permise".

 

Brigit Bontour

 

Philippe Besson, Un personnage de roman, Julliard, septembre 2017, 247p. ; 18 €

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