Causeries du dimanche, de Philippe d'Hugues : la littérature en flânant

Un titre qui sonne, par-delà les siècles, comme un salut à Sainte-Beuve. L'auteur reconnaît du reste son admiration pour l'auteur des Causeries du lundi. Il lui consacre un des textes de ce recueil d'articles, publiés çà et là, pour l'essentiel dans La Nation française, au cours des années 60. Une flânerie littéraire comme on les aime. Piquante. Enlevée. Un parcours en zigzag sur des chemins non balisés. Un témoignage original sur la vie intellectuelle de la seconde moitié du siècle dernier. L'auteur ? Un spécialiste éminent du cinéma. Doublé, il le démontre ici, d'un passionné de littérature des plus perspicaces. Un critique au jugement acéré. Assez indépendant pour échapper au conformisme ambiant. Il papillonne au gré de sa fantaisie, sans souci de chronologie. Sa promenade le mène de Benjamin Constant à Hölderlin, d'Emile Faguet à François Truffaut, en passant par Michel Chrestien, traducteur de Nabokov et auteur d'une Anthologie de l'humour noir. On y croise, entre autres, Jean-René Huguenin et même Sylvia Beach, éditrice de Joyce, égérie dans les années 40 d'un cercle parisien fréquenté par Gide ("Sans doute venait-il flairer une délicieuse odeur de pêché, agréable à ses narines immoralistes et peccables"). Roger Nimier s'y taille la part du lion. Et aussi des réprouvés, Bardèche, Brasillach, auteurs d'une Histoire du cinéma. Sans compter Rebatet, qui signait François Vinneuil ses chroniques cinématographiques. Mais Roland Barthes lui inspire un jugement nuancé. Comme Les Fascismes français de Plumyène et Lasierra. Il moque "les affreux petits cancres savants de Tel Quel", cite, au détour d'une page, "le regretté Albert Paraz". C'est dire sa sûreté de jugement. Assez rare pour être signalée. Et savourée comme elle le mérite !

 

Jacques Aboucaya

 

Causeries du dimanche, de Philippe d'Hugues, Editions Auda Isarn, mai 2013, 282 p., 23 €


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