Philippe de la Genardière tance la nostalgie avec "Roma/Roman" ou la poésie de l’impossible

Plongée dans les affres du cinéma d’auteur. C’est l’occasion de se retrouver, vingt ans plus tard. On célèbre Ciné-Roman le film qui vous épinglait sous les projecteurs. Ariane, vous aviez vingt ans. Belle comme le jour sous le soleil romain. Irradiant malgré les coups de gueule du réalisateur. Perdue aussi. Excentrique et amoureuse des hommes. De l’idée de l’amour. Des formes étranges que dessinent les nuages. Et puis le clash. « Vous étiez nue, sur le vaste sommier, vous avez senti l’extraordinaire présence, et puissance de cet attribut, et une envie irrépressible de vous l’incorporer, il se trouve que c’était avec Jim, mais n’importe quel mâle aurait fait l’affaire ce jour-là, pensez-vous, quand vous avez vu l’image du pal devant vous. » Mais vous avez su vous reprendre. Depuis ni film ni bagatelle. Une carrière mort-née. Et un nouveau métier. Analyste. Mais vous avez encore un petit feu qui brûle en vous. Alors cette invitation à séjourner à la villa M. pour une soirée dédiée au cinéma, vous sautez de joie.
Peut-être l’occasion d’affirmer cet Éternel féminin après lequel vous courrez sans le savoir. Ou en ne le sachant que trop…
 
Jim vous êtes déjà sur place. Partenaire qui a, lui aussi, quitté le métier. Vous courrez après autre chose. Un roman que vous écrivez depuis vingt ans. Sans parvenir à bout du projet. Toujours hanté par Ariane. Premier amour ou surenchère de mâle rejeté qui cherche une revanche sur la vie ? A défaut d’autre chose… Mais quoi ? Revivre cet instant d’extase avec celle dont vous avez tout fait pour effacer la trace ? Elle est là, elle sera devant vous. Cette petite foldingue de la partie de jambes en l’air.
 
Adrien vous serez au centre de toutes les conversations. Votre œuvre reconnue. Malgré les soubresauts et les désillusions. Surtout que votre prochain film demeure au stade de projet. Et rien n’y fait. Même pas la magnifique créature qui vous accompagne. Qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’Ariane d’il y a vingt ans. Qui sera l’héroïne de Lacrymosa si un jour il se monte. Mais vous buvez beaucoup. Votre canne peine à vous soutenir. Tiendrez-vous le coup ?
 
Phénoménale écriture que celle de Philippe de la Genardière. Livre aimant. Narration solaire. Poésie et musicalité dans une peinture des mœurs particulièrement précise. Un style particulier qui place le narrateur en retrait. Trois parties découpées en trois, pour les trois personnages. Que vous interpellez. Leur racontant ce qu’ils vivent, pensent, ressentent. Vous abordez des sujets difficiles. Le désir, la vieillesse, le mépris, le pouvoir. Vous peignez le quatrième personnage invisible comme un maître de la Renaissance. Car Rome aussi est partie prenante de l’aventure. Vous nous enchantez. On en ressort bouleversé…

Annabelle Hautecontre
 
Philippe de la Genardière, Roma/Roman, Actes Sud, coll. "domaine français", février 2013, 306 p. – 21,80 €

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pas étonnant que ce livre soit sélectionné dans la liste du prix France Culture-Télérama !