Philippe Forest au plus juste

Philippe Forest donne à l'autobiographie ou à l'autofiction un pli ou un biais majeur. Ecrit à la troisième personne son livre est un miroir qui se dissout, une fiction qui semble se dérouler sur une scène d'un théâtre où le fameux "je qui se narre" construit et déconstruit d'un même mouvement l'illusion réaliste.
L'auteur montre ce qu'il monte et démonte dans ce montage où le roman à ce fois se romance et se commente sans qu'il n'y ait plus besoin d'un "journal" adjacent comme celui des Faux Monnayeurs de Gide.

Le mixage fiction et réalité transforme le rêve en réalité et la réalité en épreuve. Le tout dans le jeu le plus sérieux qui soit et que Bataille avait souligné. Il rappela que l'on ne communique avec l'autre qu'avec les blessures subies. Sans cela la littérature n'est rien. Ou pas grand chose. Tout roman digne de ce nom est donc un théâtre de la cruauté dans lequel son auteur par ce qu'il donne peut continuer à vivre.

Chez Forest la disparition dont on ne guérit pas reste toujours patente. Elle est la seule cause conséquente pour mettre à nu la mise en scène de la création. L'auteur en fait un exemple absolu. Mais chez d'autres - Sollers par exemple - elle prend des chemins où à la cruauté est préférée la crudité.

Jean-Paul Gavard-Perret

Philippe Forest, Je reste roi de mes chagrins, Gallimard, août, 2019, 188 p.-, 19,50 €
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