Philippe Forest : la journée particulière De Joyce

De lectures en relectures Forest rappelle la lisibilité du Ulysse de Joyce. Dans une histoire qui contient – après tout – toutes les autres et en se réclamant d'Aristote, Joyce y mobilise des tas de références classiques mais s'intéresse surtout – entre descriptions et monologues intérieurs (donc le célèbre de Molly qui clôt le texte) v aux abîmes du réel et de la psyché.  La grille homérique y disparait dans cette journée de Bloom (6 juin 1904) à Dublin.

Joyce prétend ne pas avoir inventé le monologue intérieur (il serait dû selon l'auteur lui-même à Édouard Dujardin), mais c'est l'Irlandais qui l'a diffusé  et la légué à Woolf, Faulkner, Claude Simon et bien d'autres.  Il en devint le prophète en donnant l'impression de saisir sur le vif le tournoiement des pensées intérieures dans ses plis et replis.

Dedalus le jeune poète cherche quel est ce mot que tous les hommes savent mais qui à la fois tous ignorent. Il pourrait bien être le mot "amour" 'biffé mais pour Forest mais c'est plutôt le dernier mot du livre Oui, de Molly encore endormie prononce dans le silence, l'exil et la ruse qui sont donc la patrie d'un tel livre et ses multiples ambivalences souvent satiriques. Pour le centenaire de sa publication Forest lui rend, par la republication de son essai accompagné d'une préface inédite, le plus bel hommage.

Jean-Paul Gavard-Perret

Philippe Forest, Beaucoup de jours. D'après Ulysse de James Joyce, coll. Hors série Connaissance, Gallimard, 6 janvier 2022, 448 p.-, 22 €

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