Philippe Jaccottet : panorama poétique

Jaccottet a toujours écrit contre le froid mordant et pour les gamins qui jouent dans la neige en y multipliant leurs pas. Face aux gros nuages blancs il  montre la doublure bleue du manteau du ciel et la tricote au besoin sur l’antenne des sapins. Ses poèmes deviennent des graffitis sur l’eau des bassins gelés pour que deux pigeons qui s’aiment d’amour tendre fassent bombance des petits pains secs tirés d’un sac plastique laissé par une femme dont la tête a disparu entre bonnet et foulard.
Plus tard ils s’épouillent sur une branche.
Restent un bonhomme de neige près d’un magnolia en costume d’hiver et un gant perdu sur un muret. Un de ses doigts indique la première crête du Jura. C’est ainsi que l’œuvre avance jusqu’à atteindre aujourd’hui le panthéon de La Pléiade.
Ce qui échappe à la vie Jaccottet le sauve même si parfois il lui est difficile de se fondre dans l’extase du monde. Le tragique de certains épisodes n’est remplacé chez le Valaisan ni par les algorithmes qui excitent les raiders ni par des reconstructions purement ludiques parce que mentales. À la commotion fait place l’illumination. Les mots de Jaccottet proposent  un accomplissement terrestre.
Mémoire et projection, le poème se veut le pas gagné réclamé par Rimbaud. Il devient l’avenir modeste mais nécessaire à tout vivant. L’auteur l’évoque sans nier le mal mais il jette une pierre dans son étang pour en casser le joug au sein de ses diverses Semaisons. Elles font de l’auteur le paysan sublime d’une plénitude in herbis et verbis.

Jean-Paul Gavard-Perret

Philippe Jaccottet, Œuvres, Coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, février 2014, 1728 p.-, 70€

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