Seule la Beauté

Empédocle aurait-il raison ?
Si je suis honnête. Que je regarde autour de moi. Que je comprenne dans quel monde j’évolue. Je constate que nous avons été précipité dans le pays sans joie. Que je suis-aveugle pour ne pas saisir toute cette haine qui nous entoure. Cette folie délirante. Cette colère qui nous dévore, sans parler de la sécheresse, la putréfaction, la corruption…
Nous errons dans les ténèbres. L’Enfer est ici-bas. Quelle surface à l’air libre quand tout est lisse ? Quelle séparation pour survivre ? Comment refaire surface ?

L’idée du narrateur sera de vivre dans le silence. Pour cela il fréquente une pianiste de renom. Lisa, rencontrée lors d’un concert donné à Bordeaux. Les Variations de Webern. Mais voilà qu’elle aussi sombre dans le pathos ambiant. Elle réclame une minute de silence pour les migrants qui déferlent sur la Grèce et l’Italie. Mélange des genres. Migration économique sous couvert de fuir la guerre. Jeux des séquences. Images détournées. Faire s’émouvoir le public pour mieux le manipuler…
Encore la putréfaction et la corruption. Alors le narrateur oublie le contemporain qui l’étouffe. Il préfère passer ses journées avec Hölderlin et Rimbaud pendant que madame répète. Ou qu’il l’attend lors d’un concert à l’autre bout de la planète. Ils se parlent au téléphone. Il tente de sauver les meubles. Seule la beauté, tapie dans chaque chose, chaque instant, lui apporte réconfort et confiance. Un avenir ? loin de la laideur, peut-être…

Comme toujours, Philippe Sollers convoque l’ancien monde pour mieux stigmatiser ce vingt-et-unième siècle qui vrille sur lui-même. Courts chapitres qui claquent comme autant de vérités. Parenthèse littéraire. Baume sur nos plaies ouvertes.
Beauté qui soigne et guérit…

Annabelle Hautecontre

Philippe Sollers, Beauté, Gallimard/Folio n°6545, octobre 2018, 240 p. –, 7,25 €
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