Sollers innocent ?

Peut-on encore être détaché en ces temps de jacquerie ? Déjà Pierre Desproges s’affichait en artiste dégagé, en opposition à la cohorte d’artistes engagés pour des causes X et Y, dont la moitié ne les concernaient en rien, mais ils suivaient le mouvement, troupeau toujours… Philippe Sollers affiche sa singularité, assume son vivre à part, autrement, pour la littérature, les arts et la musique, en un mot pour la beauté. Et il se fiche des jaloux et des aigris : non, il n’a pas honte de vivre une histoire d’amour, d’afficher son bonheur, d’avoir eu la chance de connaître une enfance riche et protégée, de jouer l’élitisme et de parcourir le monde.

Décalé Sollers ? Affirmatif, dirait Gainsbourg – et aussi pour le reste : voir cette jeune pianiste qui l’accompagne – ou le narrateur, mais c’est presque du pareil au même avec lui – avec qui il partage cette passion du silence. En rien réactionnaire ce narrateur impénitent qui approuve le désastre actuel et rend hommage au passé – sans jamais l’envier. Le voilà notre innocent dans un monde coupable, n’écoutant aucune critique, confirmant une certaine désinvolture : Se défendre est inutile, se faire défendre est lamentable, l’essentiel est votre œuvre, le temps, et les ennemis de vos ennemis.

L’œuvre de Sollers parle d’elle-même, en effet… Il n’y a donc rien à dire de plus, d’ailleurs l’époque est aux discours stériles ; louons donc cette poussière qui nous constitue et qui nous parle… Et tant pis si la mascarade est dévoilée, mais l’écrivain est aussi un artiste, non un chroniqueur ou un analyste ; un artiste qui s’éclipse telle l’anguille, qui dissimule, exploite les situations, fait fi des diplômes, joue les opportunistes, survit quoiqu’il arrive.

C’est bien l’imagination qui construit le monde, qui endosse tous les mauvais rôles de l’Histoire et permet d’oublier parfois ce Mal pour ne regarder que vers le Bien, cette beauté qui nous dépasse à chaque fois qu’on la rencontre. Le premier coup d’œil enflamme l’âme et guérit le corps, alors pourquoi vivons-nous perpétuellement dans la laideur ?

François Xavier

Philippe Sollers, Beauté, Folio, octobre 2018, 240 p. – 7,25 €
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