Ces reines qui ont gouverné la France

La vision actuelle du passée est de toujours le considérer comme une période machiste où des femmes courageuses n’ont eu de cesse que de s’affirmer. « Vive les suffragettes » clament avec ardeur certains de contemporains, ayant même un écho dans les rangs politiques. Il est dur de ne pas reconnaître la véracité de ces propos…

Mais hélas, comme toujours, ceux-ci sont à nuancer. Et quoi de mieux, pour se faire, que de regarder vers la tête de l’État français. Alors que notre belle République n’a connu que des Présidents, la lugubre monarchie, celle de toutes les inégalités, a vu des reines régner sur la France. Loin de se contenter d’un simple rôle de « pouliche à dauphin », ces maîtresses femmes dirigèrent le royaume, à la tête de Conseils multiples, lors des régences. La mort prématuré du souverain laissant un enfant mineur, son départ vers de lointaines croisades ou enfin la maladie ont vu mères et épouses royales s’affermir face aux barons.

 

Philippe Tourault les a réunies en un ouvrage. Ces Reines qui ont gouverné la France, Blanche de Castille, Isabeau de Bavière Catherine de Médicis, Marie de Médicis ou enfin Anne d’Autriche. Toutes étrangères, elles durent à la cour de France s’affermir en tant que femmes d’état et faire triompher la monarchie. Cela sans forcément réussir à accomplir leur mission.

 

La première, espagnole d’une péninsule non-unie, accéda deux fois à la tête de l’État, tout en restant en dehors de ces moments de pouvoir personnel un des conseillers les plus écoutés de la Couronne. Lors de la minorité de son fils Saint Louis, elle permit à la monarchie de conserver la flamme naissante de sa puissance face aux barons, à la chrétienté de s’affermir contre les Cathares, à ses enfants de grandir dans une foi en laquelle elle croyait énormément. La Croisade de son fils la verra une nouvelle fois prendre sa place au Conseil jusqu’à sa mort.

 

Isabeau de Bavière, l’épouse de Charles VI, est peut-être la plus à plaindre. Cette femme, sans avoir été totalement formée à la politique, se retrouve assise entre deux chaises : son époux n’est rien d’autre que le célèbre roi fou. Chaque crise de démence la verra diriger le Conseil alors que tous savent que n’importe laquelle de ses décisions peut être révoquée par le roi lorsque celui-ci retrouvera – temporairement – ses esprits. La souveraine ne pourra alors que suivre le parti du plus fort (Bourguignon, Armagnac, Anglais…) en pleine Guerre de Cent Ans pour sauver sa place et tenter de préserver un monarque malade mais aimé du peuple… au détriment de son propre fils et héritier !

 

Catherine et Marie de Médicis, malgré les mêmes origines italiennes, furent bien différentes. L’une réussira, à grand coup de « cadeau du trésor », à préserver un tant soit peu la paix entre protestants et catholiques dans le royaume qui, malgré la Saint Barthélémy, restera uni. Épouse d’un roi (Henri II), mère de trois rois (François II, Charles IX et Henri III), elle verra* s’éteindre la lignée de Valois et se lever, avec Henri de Navarre, Henri IV, les Bourbons.

Marie de Médicis, elle, sera une ambitieuse dont la quête pouvoir pour elle-même, au détriment du bien commun et de celui de son fils, Louis XIII, l’opposera à celui-ci. Et ce jusqu'à en soutenir les rebelles que, la veille, elle combattait. Son action permettra cependant la montée d’un personnage essentiel : le cardinal de Richelieu…

 

Enfin, Anne d’Autriche sera celle qui ouvrira la voie pour le Roi Soleil en veillant à détruire toute la puissance de la noblesse et ses velléités de s’imposer au Conseil : la course aux honneurs ne fait pas toujours bon ménage avec la compétence administrative et les favoris des rois s’opposèrent régulièrement aux puissants. Les arts politiques contre la force des privilèges.

 

L’ouvrage des éditions Perrin raconte donc la vie de ces cinq reines. La présentation affirme que l’historien Philippe Tourault s’est lancé à corps perdu dans une vaste enquête sur l’enfance et l’éducation de ces femmes, sur leurs années au pouvoir et celles ayant suivi afin de pouvoir remettre parfaitement en perspective toute leur action. A voir la liste bibliographique déployée en fin d’ouvrage, nous ne pourrons que constater l’ampleur de sa tâche. Cependant nous regretterons que ces références soient simplement reléguées à la fin de l’ouvrage : souvent Philippe Tourault avance dans son récit – car il n’est pas possible de lire autrement son texte que comme un récit, parfois lapidaire sur des moments passionnants, où nous suivons la vie de ces reines – en affirmant de manière péremptoire des certitudes qu’un simple néophyte ne pourra remettre en perspective aisément.

Il s’agit donc de faire confiance à l’auteur et à son analyse.

 

Pierre Chaffard-Luçon

 

* pratiquement, son fils Henri III lui survivra quelques mois…


Ces Reines qui ont gouverné la France, Philippe Tourault, Perrin, 28 août 2014, 320 p. - 22 €

Aucun commentaire pour ce contenu.