Frédéric Schiffter : les inquiétudes du philosophe sans qualité

Avec Frédéric Schiffter, Schopenhauer, Cioran, Beckett ont à bien se tenir question pessimisme. De l'inconvénient d'être né tout est dit en fragments plus qu'en aphorismes dont il s'éloigne par risque de calembours bons qui réduisent leur auteur à cultiver un effet "finaud" au détriment de l'incisif.

Loin des spiritualistes de tout acabit, des professeurs de morale et de vertus, il poursuit sa route en héritier de Clément Rosset. On  dit un tel penseur mélancolique mais c'est plutôt un voluptueux triste et qui s'accommode de son mal de vivre bien. Mais comme chez tous les sceptiques existe dans cette posture une manière de vivre mieux et pas forcément cachée.

Pour preuve sa philosophie s'affiche. Et celui dont la virtu se conjugue contre trois "concepts" fondamentaux (le chichi, le blabla et le gnangnan) met à jour ce qu'il en est du retour du tragique. Retour est d'ailleurs faux puisqu'il n'a jamais cessé : il s'agit d'une constante de la nature humaine. Et ce pour de multiples causes. Un père sans talent reste par exemple un maître de vie et l'on s'étonne qu'un demi siècle plus tard l'enfant de dix ans donc de jadis en soit encore à vainement traquer une autorité morale.

Lassitudes à ce titre ne lasse jamais. Le plaisir de lecture est à chaque page chez ce Robert Pinget qui aurait troqué la fiction pour se confronter au dur et savoureux plaisir de passer de l'imaginaire à la réalité. Preuve que l'ennui peut devenir la plus subtile des digressions intempestives de l'existence.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Frédéric Schiffter, Lassitudes, Éditions Louise Bottu, janvier 2022, 112 p.-, 14 €

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