Marianna Rothen : indices et doutes

Dans Shadows in Paradise surgit des scènes de suspens d’un drame plus ou moins familial. Ce travail parle sans jamais de réponse à divers indices. Ne cherchant jamais les effets de chaleur ou de lumière, Marianna Rothen joue avant tout sur le jeu des structures qui parcellisent l’espace derrière ses pans qui parfois semblent vouloir se superposer.

Chaque prise se fait donc (en)châsse afin de contenir des indices problématiques. La femme (lorsqu’elle est encore de ce monde) possède des yeux plein de secrets ou de peur. L’épaisseur est le vide que la couleur (fût-ce le noir & blanc) divise. Il se fend là où l’étroitesse rejoint les effets de surface.
Le regard percute une forme d’impossibilité de voyeurisme. Demeure un effet à la fois de mélancolie et d’effroi dans une approche qui devient un point de non retour.

La photographe projette, néanmoins, loin des réactions émotives par une certaine froideur. Des possibilités nouvelles de type "impressionnistes" où à la colore s’impose le disegno. Le jeu des surfaces brise l’espace géométrique classique et cherche à désobstruer ses volumes pour préparer l’art à une autre fin que la mimesis.

L’interrogation demeure vive.
Marianna Rothen tend toujours à produire un lieu qui agrège et désagrège par des présences simples, diffuses, vacantes. Pas de certitude. L’art se mesure à ce qu’il est : l’ébranlement de la pensée. Comme des brebis affamées les femmes ne broutent que leur ombre.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Marianna Rothen, Shadows in Paradise, Edition Steve Kasher Gallery, New-York, 2017.

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