Andrea Stern : dérives new-yorkaises

Andrea Stern présente son livre ainsi : "J'étais une vraie loque, alors un ami m'a suggéré d’adopter un chien. Le lendemain, je suis rentrée chez moi avec un chiot de six semaines que j'ai appelé Suki: je pensais que ça voulait dire bonheur en japonais. Grand comme un petit ananas, Suki est devenu mon compagnon de tous les instants et, avec mon appareil photo, m'a accompagné dans mes divagations agitées, mes voyages infortunés et mes découvertes inattendues. "
Cette dérive est passionnante et sans concession.

Parfois l’œuvre rappelle  la puissance et la naïveté de certains amours.
Andrea Stern y devient un oiseau : elle  tend le cou et entend un chant qu’elle n’attendait pas. Elle est sans voix mais ses images parlent pour elle.
Néanmoins la créatrice sait que la plupart des êtres refusent de céder à la puissance d’un tel sentiment. C’est pourquoi son œuvre montre que certains amoureux ne cessent de croupir dans la médiocrité même si l’amour, sous toutes ses formes, est la chose la plus importante mais la plus dangereuse aussi, la plus imprévisible, la plus chargée de folie.

A partir de ce constat certaines photographies créent des abîmes métaphysiques où la nature du temps se dévoile à nous. Celui-ci est pour la créatrice moins un état qu’une énergie. Elle doit lier les événements et les êtres dans une aspiration et le respect de la vie et non des idéologies célestes porteuses de nuages donc de pluies diluviennes.
La seule "nuit" que l’artiste accepte est celle qui à travers l’obscur donne présence à la lumière du jour.

Chaque être le porte en lui en se souvenant du lieu d’où elle naît. L’artiste en découpe l’espace par signes, formes et un noir et blanc implacable. Ses voyages ne chassent pas forcément les nuages mais cachent des songes en frôlant et passant le seuil de l’intimité offerte. Apparaît la source du secret dans l’à peine voile et la lumière qui descend jusqu’au corps enfermé dans le plissé des draps.
Le corps échappe parfois à la pudeur.
Mais parfois ne demeure que la puissance d’images vides qui sortent de la lourdeur des rues et de la force de terrains vagues.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Andrea Stern, Dog Days, bookdummypress, 65 $, 2017.

 

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