Peter Lindberg : l'espace du corps

Avec Peter Lindbeg l’espace du regard est souvent le corps. Il devient la lecture du monde (Berlin ici) car nos yeux croisent toujours - ou presque - le monde à travers des corps. Ils commencent dans l’œil et contiennent son espace intérieur à travers les formes que crée l’artiste pour se faire passeur de l’extérieur à l’intérieur. Le sentiment d’intériorité vient des volumes, des formes, des regards portés sur eux et qu'eux portent sur nous.

L’œil contient le corps, la photographie de Lindberg en est la réflexion. Le corps est donc bien le lieu du regard et du travail des yeux. L’artiste possède donc deux regards. L’un qui se répand au dehors (Berlin) où il crée le visible et son volume. L’autre qui se répand à l’intérieur : soit pour y développer le visible, soit pour y voir qu’il ne voit rien que la coulée de l’air noir.

Parfois tout est en gestes et déplacements. Parfois tout se passe derrière le visage. Ce qu’on voit est de fait  ce qu’on ne voit pas habituellement. L’opération de la photographie devient autant matérialiste que poétique. Tout surgit du sombre dédale organique où la force vitale ne sépare pas l’énergie qui la perpétue des forces qui l’annihilent.

Les élans sont à entendre comme des impulsions contrôlées dirigées dans une trajectoire conjointe de maîtrise et de spontanéité. L’intensité physique et mentale convergent vers un geste qui est autant décharge d’énergie qu’acte plastique en passant par l’épaisseur charnelle et l'éther des regards.
Lindberg reloge le mental dans l’organique et fonde l’acte plastique sur leur union. L’artiste lève plus qu’une censure : il rétablit l’ordre de la pensée dans la chair et fait de celle-ci la rédemptrice d’une culture dévalorisée par la consommation et  la marchandise.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Peter Lindbergh, Berlin, Éditions Louis Vuitton, collec. Fashion Eye, novembre 2017, 112 p.-, 50 euros

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 

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