Cristobal est de retour – Maurice Renoma

Plus jeune que jamais Maurice Renoma met la gomme. Et ce à l'image de son poisson rouge Critobal (et des bancs de ses frères et sœurs). Celui-ci comme son metteur en scènographie en ont marre d'être confinés : l'un dans son bocal, l'autre dans la psychose Corona. Ils plongent chacun d'un côté de l'objectif pour forcer les images et sortir de cette histoire de virus. Mais ce n'est en faire abstraction. Il s'agit de la transformer par une révolution qu'à sa manière le créateur fomente. En un temps qu'il nomme de la tempête (rêv-olution) Renoma débouche sur un nouvel espace-temps que Léonard Tsuguharu Foujita décrivit : Cyclones, Raz de Marée, Progrès, machines, peuvent feindre de détruire les maisons de papier, les poissons qui flottent sur les toitures, Costumes et coutumes peuvent s’éteindre…

Et l'artiste de préciser : Bientôt, les portes vont s’entrouvrir pour que l’Homme en cage retrouve un semblant de liberté. Cette liberté fait peur à présent, puisqu’elle implique de se retrouver sur le même terrain que l’ennemi. Dehors. Alors l’Homme en cage réfléchit. Peut-être attendre. Encore un peu. Et contempler Cristobal, cet agité du bocal.
Mais déjà son fomenteur s'en donne a coeur joie, il a pris les devants et Cristobal est devenu son pote et son arme secrète pour détruire le temps qui tombe dans un trou noir afin de le reconstruite..

Un regard plus attentif nous apprend que l’objet que nous croyons voir (à savoir le poisson rouge) en suggère un autre. Il devient une arme - apparemment inoffensive – mais qui entretient toutefois, des connivences avec l’arme à feu. Certes elle ne tue pas – elle fait l’inverse – elle cicatrise par divers types d’opérations - entendons ouvertures. Et les montages photographiques de Maurice Renoma révèlent les mécanismes de survivance et d'appréhension du monde réel ou imaginaire où l'expression heureux comme un poisson dans l'eau perd son sens.

 


Preuve que pour chacun de nous le réel n’est pas la réalité : cela est plus complexe. L'artiste plutôt que de noyer le poisson apporte la preuve qu’une image n’est jamais simple : elle renvoie même à un passif,  à des croyances et des exigences psychologiques et politiques conscientes mais aussi inconscientes.
Dès lors Crisobal scénarisé avec son maître permet de garder en ligne de mire le décor du monde. Néanmoins  par ses montages le photographe en augmente la charge. Il est vrai que depuis son adolescence Maurice Renoma porte un regard sans préjugés sur les corps et les croyances. Par ses anciennes professions, ses voyages, par sa vie privée et par sa passion pour son art il reste drôle, curieux, lucide :  bref il demeure iconoclaste capable de scénariser le réel dont plus que jamais ses dessous inquiètent - bien plus que ceux des femmes que l'artiste sait si bien capter en diverses visions spéculatives.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Maurice Renoma, Mythologies du Poisson Rouge, L’Appart, nouvel espace culturel (très singulier) du XVIe arrondissement de Paris, à partir du 16 septembre 2020

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