Marine Foissey : une certaine solitude

 

Marine Foissey présente sa série "Dead Line" comme un conte sans histoire aux couleurs de la blancheur de la mort et du sombre de mes frontières. Tout est une affaire de regard en un face à face avec elle-même et comme seul et "sourd" témoin l'appareil photo. Le songe me crée celle que je ne suis pas ou trop, ou pas encore [...] Ici et maintenant ou encore ailleurs. Tout est faux. Mais tout est vrai aussi en une forme d'auto-analyse par effet de peau. Ce qui ne veut pas dire que l'artiste-modèle ne se définisse que par son corps.

Elle ne cesse d’ouvrir sa caverne platonicienne afin d’y faire entrer le jour. La densité devient parfois profonde, parfois allusive. Mais le moindre n'est plus ombre. La série permet d’entrer dans un monde empreint de bruissements soyeux et de glouglous.
Une intensité éclate sans accès de fièvre mais un émoi particulier là où la photographe ne renonce jamais à investir d’étranges cours afin de montrer encore et toujours de l’invisible.

Le regard lui-même devient de l'être "mal" vu ou plutôt caché, découpé  hors du simple autoportrait. Chaque prise cerne un suspens, par ébauche de quelque chose qui attend, qui arrive  près d'un lit, dans une baignoire en un appartement plus ou moins anonyme. Ce que l'artiste montre reste un moi et  un lieu décalés. Ils ont néanmoins valeur – en notre imaginaire dérouté – d’abcès de fixation. 

L’unité de l’être chancelle sous les pièces du puzzle dans lequel l’artiste nous plonge, nous abîme. Mais  la vie est là qui hante. L’artiste lui donne une plénitude modulée. Il ne s’agit donc plus de vadrouille mais de dérive dans l’aventure plastique. N’émerge que ce qui est capable d'engendrer quelques schémas vitaux de construction. Nous sommes bien loin d'un miroir de complaisance. Les formes deviennent des entités visuelles bien plus que des contours.
En ce sens ce travail répond à l’injonction de Bataille : une œuvre est œuvre seulement quand elle devient l’intimité ouverte de celui qui la crée et de celui qui la regarde. Le corps "déserté" habite un univers où un voile sur les pensées dévoile sinon le visage du moins sa proximité, sa coulisse dans une certaine solitude.
Elle est parfois une exigence vitale.


Jean-Paul Gavard-Perret


Marine Foissey, Deadline, la limite, janvier 2021
marinefoissey.com

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