Bruno Stettler : Coco ? Oui c'est moi

Cette série de Bruno Setter devient une investigation dans la dualité du monde et de l’aliénation mais aussi des fragrances culturelles et urbaines par la mise en scène photographique capable de créer par sa structure des dissonances. 

Le photographe propose 80 paires de prises des années 80 à Zurich et dont le sujet fut Corinne Corinne (aka Colli, Coco, Acid) que l'artiste présente ainsi : Tu étais ma muse [...] Vous n’avez jamais eu peur [...] Tu étais ma copine, mon premier amour et mon modèle nu. Vous m’avez fait me sentir comme un vrai photographe. Vous m’avez accroché au mode de vie sauvage des années 80. Vous m’avez souvent touché le cœur. Vous avez façonné et enrichi ma vie de votre beauté, de votre humour et de votre amour.

L’objet physique de la photographie et la situation de la muse qu’elle dépeint semblent un dialogue. la  langue visuelle et gestuelle crée à la fois un plaisir et une angoisse. Ils ne dépendent autant de l’authenticité du sujet que de la pertinence de la construction photographique comme outil d’investigation.

Stettler souligne un écart entre le visage et le portrait. La photographie prend en charge un certain dévoilement de l'identité et ouvre de nouveaux horizons sur une icône disparue. Le créateur est capable de donner à voir une vérité qui n'est pas d'apparence mais d'incorporation.  Les portraits offrent une "visagéïté" (Beckett) qui souligne la fausse évidence des figures dites "réelles". Ce face à face fait éclater les masques et prouvent que tout grand artiste est celui qui arrachent à la fixité du visage pour plonger vers l'opacité révélée d’un règne énigmatique.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Bruno Stettler, Corinne, Every Edition, Zurich, 160 p.-, juin 2021

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.