À la mémoire de Pierre Ricou, excellent photographe

Émouvant épisode de hasard objectif vécu ce matin au petit village de Céreste, entre Apt et Manosque : je m’y suis soudain senti véritablement aimanté, et de loin, vers une minuscule boutique devant laquelle, tout en haut d’un présentoir de cartes postales, quelques-unes signées Pierre Ricou m’attendaient…
Puis, voulant sûrement leur donner ainsi encore plus de prix à mes yeux : Ce sont les dernières, on n’en trouve plus, c’est fini ! m’a déclaré le marchand au moment de payer ; tandis qu’en un clin d’œil – de Pierre ? – je m’apercevais, stupéfait, car remonté, bon Dieu, de quelle mémoire ?, que ce tout prochain 4 octobre était bel et bien, sûr et certain, le jour anniversaire du départ prématuré de cet ami photographe !
Alors, à ce moment-là, et encore une fois sans vraiment rien de rien en décider, je me suis ipso facto retrouvé présent deux jours plus tard, le 6, en 2016, au cimetière de Forcalquier où quelques proches avaient tenu là à dire l'homme, sa ferveur, le militant pour un monde meilleur, écolo, équitable. Et sa défense, aussi, du grand métier qui était le sien.
Le connaissant bien, ils l’avaient fait, chacun, en usant de mots simples, sonnant juste et clair car empreints de la forte chaleur humaine émanant de leur amitié avec le couple Pierre-Viviane, Viviane-Pierre qu'évoquait plus particulièrement pour nous tous Pierre Lieutaghi, leur voisin.

Bouquet anonyme peint parmi les graffitis (ne dirait-on pas un pur Picasso ?) sur l'un des monumentaux piliers de la chapelle romane de Saint-Donat à Montfort, dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Les paysages, la vie des villages, celle du moindre de leurs hameaux encore à eau de source et à cadrans solaires, les personnages, les arbres, les nobles vieilles bergeries en pierres sèches de Lure, le blond portail roman de Ganagobie, les plus humbles granges à fourrage ou refuges à braconniers, et jusqu'à un certain art de vivre la plupart du temps au grand air ; tant de choses, matérielles et immatérielles, qu'il a, par son talent d'artiste, choisi de si magnifiquement célébrer, les sauvant ainsi, sinon du néant, pour le moins pour un temps de l’oubli tout en les vengeant avec panache d'un tourisme devenu à la fois de plus en plus impitoyablement bébête et mercantile –, doivent se sentir désormais bien orphelins, ou orphelines : le poète qui véritablement les aimait, et pour cette raison les photographiait si bien selon son cœur, depuis six ans déjà n'est plus.
C'est, en effet, la Haute-Provence toute entière qui, d’une photo à l’autre, lui doit d'être reconnue pour elle-même dans ce regard aimant et qualifié à en rendre l'authenticité, la vérité, la lumière si souvent extraordinaire ; chacune sans masque et, en rien, jamais traficotée.

                     Vestiges de bergerie sur le plateau des Frâches au Contadour.

Combien, en effet, tranchent et se différencient donc d’entre toutes les autres ses fameuses cartes postales !
Si peu cartes postales d'ailleurs, au sens banal et usuel, ordinaire, étant avant tout de véritables œuvres avec toute leur charge : le pouvoir humain et surhumain, ineffable, de leur poésie universelle, tout simplement !
Mais témoigner à ce point de la beauté et du caractère, ici si caractéristiques, d'une contrée, de son identité profonde, de son esprit et de son âme, n'est cependant pas si fréquent en photographie ; c’est que, via ses nombreuses cordes sensibles, Pierre avait, il est vrai, beaucoup reçu, à vrai dire autant qu'à mesure, en retour il a pu donner.

André Lombard

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