D'une plume vengeresse

Parmi les amis et connaissances du peintre Serge Fiorio, il y a deux personnes à qui, c'est plus fort que moi les jours d'humeur orageuse, j'en veux parfois encore et fulmine contre eux.
Enfin, façon de parler, car ils sont​ décédés​, plus là pour se défendre : paix à leur âme plutôt, devrais-je écrire, c'est vrai.
Le premier est le photographe Lucien Clergue qui, tout jeune encore,
se jeta sur Cocteau et Picasso comme la pauvreté sur le monde, réalisant des milliers de photos des deux vedettes alors en pleine gloire mais – les tartines n'étant, depuis toujours, beurrées que d'un seul côté – ne se fendit que deux ou trois malheureux clichés du modeste peintre-paysan qui le reçut à bras ouverts dans sa tribu, avec des amis, à Montjustin, dès 1953, à 19 ans ! Et maintes fois encore par la suite, ayant des amis en commun. 
Sans même avoir eu, de plus, 16 plus tard, la moindre présence d'esprit de photographier l'affiche de son expo de Cannes qu'il eut pourtant la bonne fortune de découvrir le premier en bonne place, en 69 donc, chez Picasso lui-même.

Affiche représentant un fameux Manège que le maître de Mougins – à qui ne restait alors plus que quatre années à vivre – avait d'autorité subtilisée à son jardinier afin de lui rendre un véritable hommage d'admiration privée en la punaisant ainsi près de lui dans – Saint des saints de Notre-Dame-de-Vie – son tout dernier atelier ! 
L'autre scélérat (façon de parler encore) est l'écrivain bas-alpin Pierre Magnan qui, à partir du moment où la vieillesse commença à ouvertement se manifester chez son vieil ami peintre, se fit lui-même carrément oublieux de lui rendre de temps en temps visite à Montjustin ; sans jamais plus, non plus, lui passer le moindre coup de fil – ne serait-ce, impromptu, que pour poliment prendre quelque peu de ses nouvelles – comme il le faisait auparavant, d'habitude, la plupart du temps pour un sacré bon petit aïoli amical et le plaisir, bien sûr, de la galéjade et des dernières nouvelles souvent servies, encore toutes croustillantes celles-là, via l'inénarrable faconde provençale de Lucien Henry, Seigneur de Forcalquier !
Sans doute que la peur au ventre de sa propre prochaine déchéance et, partant, de sa propre mort – quoi d'autre, n'ayant, en effet, que 11 ans d'écart ? Pierre mourra d'ailleurs tout juste une année après Serge – lui ôtèrent le courage de faire une seule fois le crochet par le village perché entre Encrême et Aiguebelle quand il passait incognito tout en bas sur la Nationale pour aller signer ses livres à​ librairie d'​Apt, ou plus bas encore, plus loin, vers Avignon ou St-Rémy-de-Provence !
Ceci dit, cela m'a fait grand bien de l'écrire en mémoire vive d'un homme qui ne méritait pas, en rien, d'être traité ainsi de leur part.

André Lombard
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