Des deux mains avec Pierre Alechinsky

Et puisque les choses, ici, fonctionnent par paire, vous avez encore jusqu’au 22 février 2020 pour aller admirer les Travaux d’accompagnement que Pierre Alechinsky fit avec ses amis poètes ou essayistes, présentés dans la belle galerie Gallimard, sise au 32 de la rue de l’université… À l’occasion de la publication de ce très beau – et gros – livre, de quoi vous faire oublier quelque peu les mouvements sociaux qui dénaturent le quotidien, en voyageant par et avec la peinture que son créateur parcours, comme sa vie, sur le ton d’une ballade irlandaise. Mais la peinture, c’est du sérieux !
D’ailleurs, si vous lui posez la question de quoi, comment expliquer cette démarche artistique, Pierre Alechinsky vous répondrez que s’il le pouvait, il ne peindrait pas. Quoique. Le peinture ne couvre pas tout.

Nous voici donc emportés par le récit de ce peintre écrivant, gaucher et capable d'écrire à l'envers, qui n’est pourtant pas un fanatique de la peinture. C’est l’occasion de portraits croisés de ses amis, avec en fil rouge Christian Dotremont qui semble bien lui avoir donné le sens du jeu des mots.

Quand mon pinceau baguenaude sur les pages d'un vieil atlas et qu'au détour d'une frontière il tombe, en vieux marcheur qu'il est, sur le tracé d'une courbe qui pourrait de près ou de loin ressembler à une robe, une chevelure, il n'a plus qu'à se laisser aller. Ce n'est pas du travail, c'est de la rêverie entraperçue qui trotte.

Ainsi, Pierre Alechinsky s’aventure-t-il dans les envolées lyriques d’une belle poésie narrative qui enchante le lecteur et adoucit ces temps incertains. On y rêve d’un inaperçu de rigueur ; on peint le présent à l’imparfait ; on évoque cette peinture reposant sur pas grand-chose, ce pas grand-chose dévisageant la perfection ; on rit avec Reinhoud et ses figurines en mie de pain ; on valide la brochure La grasse matinée qui souligne combien les auteurs ont la joie d’annoncer, en toute modestie, leur refus de participer à la lutte pour l’existence… Et dire qu’à l’époque on ne parlait pas encore de salaire universel, mais l’esprit malin du mauvais élève brille de toute sa superbe et les calembours succèdent aux déclarations empiriques.
Un livre de batailles, un livre d’amour, un livre d’esprit. La vie, tout simplement…
Le tout ponctué de superbes reproductions couleur : Père Noël, si ceci n’est pas un appel du pied, je n’y comprends plus rien.

François Xavier

Pierre Alechinsky, Ambidextre, 185 x 235, illustrations couleur et N&B, Gallimard, décembre 2019, 464 p. – 39 €

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