Golem de Pierre Assouline : le mythe revisité à la sauce high-tech

Pierre Assouline n’est jamais là où on l’attend, c’est là une de ses forces, alliée à une imagination débridée et à un style inimitable : pour son dixième roman, l’auteur de Sigmaringen a eu envie de raconter une histoire policière d’un genre un peu particulier. On y croise des hackers, une lanceuse d’alerte, des techno-prophètes, Primo Lévi, Paul Celan et la Kabbale.
Assouline explore toutes les pistes, s’amuse, virevolte, met en garde aussi contre les possibilités infinies que pourraient offrir les nouvelles technologies si elles s’allient un jour à une science débridée et sans conscience. Serons-nous tous demain des hommes augmentés, c’est-à-dire munis d’un néo-cortex artificiel directement branché sur le Web ? Le futur pas si lointain que décrit le membre de l’Académie Goncourt a beau faire froid dans le dos avec son fantasme d’immortalité, on suit avec plaisir Meyer dans sa quête effrénée pour la vérité de Londres à Paris en passant par Prague. Et comme Assouline est extrêmement cultivé, on croise aussi la route de Proust, de Zweig, du peintre Rothko et de plusieurs chefs d’œuvre du cinéma dont un inattendu La nuit du chasseur.
Le mystère s’épaissit au lieu de se dissiper pour notre plus grand plaisir. On se laisse emporter par la dernière partie du livre bouleversante, de Varsovie à Vienne, de Lodz à Bucarest sur les traces de Meyer et du passé des siens. Assouline décrit un monde disparu, une langue, une culture qui n’appartenait qu’à la Mitteleuropa, l’Europe des Juifs partis en cendre. « Il faut à un moment cesser de trainer tout un cimetière derrière soi et revenir du côté des vivants », écrit-il. C’est ce que fera son héros, débarrassé du ghetto intérieur dans lequel il s’était enfermé. Une fable philosophique puissante et belle.
Ariane Bois
Pierre Assouline, Golem, Gallimard, janvier 2016, 270 pages, 19 euros.
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