Pierre Bergé : amour et engagement

Cette édition rassemble les entretiens de Pierre Bergé, d'une part avec Joëlle Gayot pendant un an suivi de ceux avec Laure Adler. L'interviewé y est un parfait homme du monde qui égraine ses souvenirs toujours avec tenue. Il n'y a rien ici de bien surprenant mais Pierre Bergé fait preuve du courage qu'on lui connaît pour défendre ce qui lui tenait à cœur. Ce fils d’anarchistes s'y retrouve tel qu'on le connaît : défenseur de la cause homosexuelle comme de la mémoire d’Yves Saint-Laurent.
Celui qui homme d'affaires et richesse aidant est devenu collectionneur et grand mécène revendique son statut d'homme de gauche et pourfendeur des conformismes.

Se découvrent aussi au fil des pages ses goûts musicaux, artistiques et surtout littéraires (Villon, Marot, Flaubert, Proust, Stendhal, Rimbaud, Apollinaire, Genet, Giono, entre autres). Cet homme cultivé et altier ne pratique ici une proximité que lointaine. Néanmoins ces entretiens resteront comme le roman vrai de celui qui évoque ses combats, rarement ses vexations et ses humiliations, mais surtout ses victoires et la sérénité d'une réussite qui l’éloigne peu à peu de sa condition première pour rentrer dans la grande bourgeoisie parisienne.

À travers ces divers entretiens Pierre Bergé sait faire la part les choses et reste capable de se faire âpre et dur juste ce qu'il faut dans les moments où le lamento se serait imposé chez beaucoup. À l'inverse il  garde le  mérite de devenir discrètement lyrique plus dans les moments creux que les instants de bravoure.

Pour ce travail de mémoire il fallait de bonnes intervieweuses : elles font bien le travail et ce double corpus peut tenir lieu et place de biographie. Des épisodes évoqués et retracés pourraient servir de véritables scénarios (dialogues compris) de films ou – disons plutôt de télé-films. Bergé sait créer juste ce qu'il faut de romantisme afin de souligner combien la vie fut pour lui une forme de conte même s'il l'a forgé de ses mains  et ne s'en est pas contenté. Il fait ici plus preuve de bonne foi que de coquetterie dans ce qui reste des exercices de séduction voire parfois de justification.

Jean-Paul Gavard-Perret

Pierre Bergé, La nuit va bientôt tomber - L'encre c'est le sang, Gallimard, novembre 2019, 320 p.-, 21 €
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1 commentaire

Ah, ces milliardaires de gauche nous étonneront toujours !

André Lombard.