Pierre Bergounioux sur le carreau du temps

Pierre  Bergounioux reste un rhétoricien à sa façon. S'il se met en scène à l'épreuve du temps ce n'est jamais en un exercice égotique. Il s'agit de définir le mécanisme humain qui reste tout sauf inerte dans le temps :  Je sais exactement à quelle figure de la procession qui s’allonge chaque jour derrière nous, à quel être passé de nous-même, imputer chaque soin de la vie présente, ses inclinations, ses hantises, ses travaux et ses fins.

Dans ce but, il ne faut pas perde le mouvement et la musique de la vie et ne pas empâter l'esprit dans une idéologie gourmée de l’Écriture avec un E majuscule. La langue nous touche ici parce qu'elle émeut en forçant un sens platement linéaire tout en produisant un style qui lutte contre l'oubli à la manière de Faulkner lorsqu'il affirmait : Il y a des choses qu’il faut écrire très vite, comme on monte une bicyclette sur une corde raide.

En ce sens Bergounioux reste proche de la voix faulknérienne. Elle avance puissamment parce qu'elle est inextricablement liée à celle de l'être humain en ses tropismes. C’est ce qui permet à qui écrit de s’arracher à sa propre personne, à l’intimisme, au spécifique, au "je" à travers un écho dont l'ambition est plus large. 

Le tout avec une précision extrême : Je peux dire où et quand, au jour près, à l’heure, parfois, avec une marge d’erreur inférieure au mètre, un degré de précision de l’ordre du dixième de l’unité sans nom qui mesure l’intensité de nos émois, écrit-il. Et ce, sans espérer comme Rimbaud un grand soir où je boirai tranquille en quelque vieille ville et mourrai plus content.

Bergounioux est fort raisonnablement et poétiquement plus patient.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Pierre Bergounioux, Métamorphoses, illustrations de Philippe Comar, mars 2021, 40 p.-, 11 euros

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