Universitaire, écrivain, critique né en 1955, connu pour se battre contre les bien-pensants et les coteries littéraires qui ne savent que protéger une littérature creuse.

Lorsque Pierre Jourde s'amuse

Chez Pierre Jourde les langues narratives ou spéculatives divergent non seulement d'un livre à l'autre mais également dans un même texte. Les palabres du "Voyage d'un canapé-lit" le prouve. Le déménagement de cet objet fétiche d'une grand-mère acariâtre ne se fait pas facilement. D'une certaine manière il est aussi inopportun que fut l'aïeule. Elle a néanmoins le mérite posthume de ne pas se faire regretter.

Ses deux petits-fils emportent, dans un "Jumper" et en un road-movie, l'objet laid recouvert de velours à fleurs. Il va devenir le prétexte d'un délire verbal. Il permet à Jourde de faire son numéro. Il  ne s'en prive pas jusqu'à des plaisanteries de bucheron - à savoir de derrière les fagots. Mais il n'oublie pas son statut de notable intellectuel : d'où ce mixage où l'onction culturelle et l'art de la citation jouent à fond.
L'auteur cherche trop à faire son intéressant et son numéro pour que sa fiction "transporte". L'ensemble est souvent téléphoné et les ficelles voyantes au moment où Jourde se sert à nouveau de certains de ses dadas pour la rigolade (de Duras à Angot).

Le livre hésite entre la bonne réputation et la farce presque pastiche. Le propos se veut corrosif et un rien hégélien dans un exercice de complaisance. Encore faut-il que cet usage soit ironique.
Ne faisons pas un mauvais procès à l'auteur : il lest le plus souvent impertinent dans ses niveaux de langages divergents. Et c'est une respiration après son avant dernier livre sans doute le plus dramatique. Ici le plaisir est de mise.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 
Pierre Jourde, Le voyage du canapé lit, Gallimard, janvier 2019, 272 p., 20 €
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