Pierre Péju et l'insomniaque

Pierre Péju  sur sa quatrième de couverture précise la "nature" de son héros : Tout au long de sa vie, Horace W. Frink fut un Américain intranquille. Enfant abandonné, étudiant tourmenté, il se fait psychanalyste, à New York, et pionnier de cette troublante méthode.
Le lecteur – et pas seulement – peut émettre des doutes sur ce psychiatre complexe, mari et père bien immature pour pouvoir soigner ses contemporains et qui – comme souvent chez les psychiatres mâles (en ce sens bien différents de leurs consœurs) s'entiche et tombe amoureux – ou du moins devient l'amant d'une de ses patientes.

Mais pas n'importe laquelle : une milliardaire fantasque. Sa "cliente" lui permet de côtoyer les heureux du monde, au début des années folles. Et c'est là où tout se complique dans cette fiction – adaptation très libre de la vie réelle de Horace Frink, né en 1883 et mort en 1936 dans un oubli complet.

Pris à son propre jeu par les affres de l'amour et des aventures intellectuelles, le voici en rade et dérive jusqu'à s'allonger sur le divan de Freud lui-même. Il est vrai que celui qui est "docteur pour les nerfs et soi-disant psychanalyste" perd ses propres repères là où "au milieu de somptuosité et d'éclats, tout est névrose, hypnose, hystérie parce que tout est vie, submersion du réel par la vie qui s'est développée comme des cellules folles"

Pierre Péju en profite pour faire revisiter de la manière la plus jouissive possible la psychanalyse. Ce qui est un minimum puisqu'elle est là pour faire jouer la mécanique libidinale là où les pulsions de mort empêche de la lubrifier comme le rêvait celui qui est entrainé dans des aventures picaresque.

Passant de l'autre côté des lumières, l’œil de la nuit n'est pas seulement l'inconscient mais le regard existentiel qui n'accorde au sombre héros qu'une vision nocturne et  rend insomniaque celui – qui non faux menteur mais vrai naïf prétentieux – ne sera, au nom de sa sapience,  que fomenteur du peu qu'il est. Preuve qu'un mauvais psychiatre peut donner lieu à un bon roman.

 

Pierre Péju, L’œil de la nuit, coll. Blanche, Gallimard, octobre, 2019, 432 p., 22 €
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