Mondrian : sens dessus dessous !

Il n'y a pas à dire, un tel strict et quasi indémodable motif de prosaïque toile cirée exposé à l’envers depuis des lustres, cela fait passablement désordre quand il est présenté en tant qu’œuvre d’art moderne majeure au musée de Düsseldorf !
Ce n’est pourtant pas que le peintre s'y soit mélangé les pinceaux, ni les brosses, ni les couteaux, (l’œuvre n’étant banalement constituée que d'uniformes bandes adhésives colorées), mais, au lieu, à sa place, en son nom pourrait-on même dire, des générations de commissaires triés, à mesure, au fil du temps sur le volet, d’éminents spécialistes, une ribambelle de curateurs et de conservateurs considérablement formatés se sont pris, non les pieds dans le tapis, mais bel et bien la tête dans la toile cirée !
Tant de grosses pointures se couvrant là, toutes, ensemble, et tout d'un coup, publiquement de ridicule ; et d'autant, je le répète, que déjà le plus sérieusement du monde couvertes de diplômes et/ou de certifications couramment assez haut perchés, comme il se doit à de tels postes !
Qui l’eût cru ? Il faut croire qu’il fallait bien que cela arrive puisque c’est arrivé ! Pendant 77 ans, donc, personne ne s’en est aperçu ; il n'a fallu – vraiment rien de mieux ! – que la confrontation fortuite avec une simple photographie ancienne prise dans l’atelier !
Par conséquent, écroulé, mort de rire, on ne peut, en effet, qu’essayer de se tenir encore les côtes du mieux que l'on peut en regard d’une telle "découverte", tout en repensant à quelques – fort modestement prétentieuses – appréciations affichées par ailleurs sur le Net :
En janvier 1914, Mondrian écrit, en effet, à son ami Bremmer : Je construis des lignes et des combinaisons de couleurs sur des surfaces planes afin d'exprimer, avec la plus grande conscience, une beauté générale. La nature (ou ce que je vois) m'inspire, me met, comme tout peintre, dans un état émotionnel qui me pousse à créer quelque chose, mais je veux rester aussi près que possible de la vérité et à tout extraire, jusqu'à ce que j'atteigne au fondement (qui ne demeure qu'un fondement extérieur !) des choses […]. Je crois qu'il est possible, grâce à des lignes horizontales et verticales construites en pleine conscience, mais sans calcul, suggérées par une intuition aigüe et nées de l'harmonie et du rythme, que ces formes fondamentales de la beauté, complétées au besoin par d'autres lignes droites ou courbes, puissent produire une œuvre d'art aussi puissante que vraie.
Hubert Damisch a indiqué, dès 1958, qu'un tableau de Mondrian contredit au monde qui est le nôtre, et en suggère un autre. [Il lui est assigné] une fonction précise : celle d'imprimer dans la mémoire visuelle un schème d'organisation de l'espace qui fonctionnerait ensuite comme une grille, laquelle n'attendrait plus que d'être reportée sur le monde pour l'informer à neuf.
Et Éric de Chassey (2017), s'appuie sur cette autre citation du même auteur : La grille, chez Mondrian, a valeur d'utopie, au même titre que les Villes imaginaires et autres Cités idéales conçues par les artistes du Quattrocento.
Rien que ça, mazette ! Et tout en bon sens tout cela ? Permettez que j'en doute, et bien plus encore !

PS : le tableau – parce qu'irrestaurable à l'endroit ou par inopiné concept commercial saisi au vol ? – continuera, paraît-il, à être présenté accroché à l'envers !
Ce qui promet, mérités, quelques bons torticolis à la clé parmi le public d'ores et déjà moutonnièrement pressé de venir se recueillir et se repaître un instant, mirettes et neurones à l'appui, de cette toute dernière flambant neuve célébrité !

André Lombard

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